Siksikakowan: L'homme pied-noir
Documentaire
anglais, Pied-noir
Une production de l’Office national du film du Canada
Avec tact, le cinéaste Trevor Solway (Sinakson) brosse un portrait intime, rarement vu à l’écran, de la façon dont les hommes autochtones vivent et expriment leur masculinité.
Synopses
Court
Trevor Solway (Sinakson), réalisateur de la Nation Siksika, brosse un portrait nuancé de la vie d’hommes pieds-noirs qui jonglent avec leur identité, les liens de parenté et les attentes complexes face à la virilité. Grâce à des moments bruts et à des conversations révélatrices, avec pour toile de fond le paysage époustouflant des Prairies, le film réinvente ce que signifie être un homme autochtone. Siksikakowan: L’homme pied-noir est une ode profonde à la force, à la vulnérabilité et à l’amour à travers les générations.
Long
Que signifie être un homme (autochtone) ? Dans Siksikakowan: L’homme pied-noir, le réalisateur Trevor Solway (Sinakson) retourne dans sa communauté siksika natale pour brosser un portrait de la masculinité autochtone rarement vu à l’écran.
Au fil de conversations profondément intimes, il présente des aperçus bruts du quotidien de ses compatriotes pieds-noirs. Pères, fils, artistes, athlètes, DJ : tous doivent composer avec ce que signifie être un homme dans un monde qui les comprend souvent mal et les stigmatise. Trevor, qui a grandi avec la pression de se comporter « en vrai cowboy », dissèque délicatement les modèles rigides de la virilité en explorant les liens de parenté qu’il a entretenus tout au long de sa vie.
Avec pour toile de fond l’immensité des Prairies, Siksikakowan est une exploration lumineuse de la force et de la vulnérabilité de générations d’hommes et de garçons qui accueillent la complexité de la découverte de soi, de l’identité et de l’amour.
Entrevue avec le réalisateur Sinakson Trevor Solway
Par Jason Ryle
Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce film et pourquoi avez-vous choisi cette histoire en particulier ?
Ce film répond à une quête éminemment personnelle. J’ai grandi dans la Nation Siksika, entouré d’attentes très précises quant à ce que cela signifiait d’être un homme, mais je n’ai jamais eu l’impression d’entrer dans ce moule. J’étais un enfant sensible et on me disait souvent de me comporter comme un vrai homme ou un cowboy, et je me retrouvais à surcompenser, à essayer de prouver que j’étais un homme… ou de me conformer à cette idée de ce qu’un « homme » devrait être. Cette lutte a façonné mon désir d’explorer, et peut-être de déconstruire, non seulement l’image de la masculinité dans laquelle je baignais, mais aussi ma propre relation avec elle.
La façon dont les hommes autochtones, et en particulier les Pieds-Noirs, ont été représentés dans les médias a également joué un rôle de bougie d’allumage dans ce projet. Dans les films ou la culture populaire, nous avons souvent été présentés comme des « seigneurs des Prairies » ou des guerriers redoutés, mais ces représentations sont malsaines, surtout lorsqu’elles sont associées à des traumatismes coloniaux, qui sont toujours présents. Je voulais montrer les hommes autochtones au-delà des stéréotypes, les présenter comme des êtres humains complexes et vulnérables tout en réhabilitant des expressions plus saines de la masculinité.
Quelle a été votre approche pour représenter les hommes dans le film et comment avez-vous fait le choix de vos protagonistes ?
Les hommes du film sont des personnes que je connais depuis longtemps, et cette confiance était essentielle au processus. Je voulais les dépeindre de manière honnête et sans fard, en évitant deux extrêmes : les mettre sur un piédestal ou les livrer en pâture. Cet équilibre était ma pierre angulaire.
Je ne voulais pas dicter leurs histoires ou créer des parcours artificiellement nets, parce que la vie n’est pas comme ça. Leurs histoires ne se terminent pas simplement parce que le film prend fin, et j’ai pensé qu’il était important de refléter cela. Mon objectif était de les montrer d’une manière qui semble réelle, de les laisser parler pour eux-mêmes tout en captant la complexité et les contradictions qui existent en chacun de nous.
Pourquoi avez-vous choisi le style cinéma-vérité pour ce film, et en quoi cela vous a-t-il posé un défi comme cinéaste ?
L’approche du cinéma-vérité me semblait être le seul moyen de raconter cette histoire. J’ai passé 90 jours sur une période de quatre ans à filmer, toujours en solo, me contentant de me présenter avec ma caméra et de faire partie de leur vie. Je ne voulais pas effectuer de mise en place ni trop diriger les moments ; au contraire, j’ai laissé leur vie se dérouler naturellement.
Cette approche s’écartait de la manière dont j’avais travaillé par le passé et a exigé beaucoup de patience. J’ai dû renoncer à prendre des décisions pour les protagonistes ou à contrôler le récit, ce qui n’a pas été facile. Mais cela m’a aussi libéré, car cela a permis de faire ressortir l’authenticité de leur vie. Pour moi, cette méthode correspondait au cœur de l’histoire : laisser les hommes être eux-mêmes sans leur imposer mon propre cadre.
Quel rôle votre parcours personnel a-t-il joué dans l’élaboration de la perspective du film ?
L’éducation que j’ai reçue dans la Nation Siksika a beaucoup influencé ce film. Enfant, je n’avais pas beaucoup accès à des exutoires artistiques, et j’ai donc passé beaucoup de temps à observer et à essayer de donner un sens au monde qui m’entourait. Cette sensibilité et cette introspection ont toujours fait partie de ce que je suis, et maintenant, avec une caméra, je peux explorer les questions et les émotions que je porte en moi depuis l’enfance.
Il était également primordial pour moi que ce film soit le fruit d’une expérience vécue. En tant que membre de la communauté, je voulais montrer notre monde de l’intérieur. Lorsque des personnes hors de nos communautés racontent ces histoires, elles risquent souvent de nous réduire à des costumes ou à des stéréotypes. Je voulais que ce film soit authentique, comme s’il n’avait pu être réalisé que par quelqu’un qui l’avait vécu.
Quel effet aura ce film sur le public, selon vous, et à qui s’adresse-t-il ?
J’espère que ce film aidera les gens à nous voir, nous les hommes autochtones, comme les êtres humains complexes et vulnérables que nous sommes. Je veux qu’il trouve un écho au sein de la Nation pied-noir et d’autres communautés autochtones, mais aussi à l’extérieur. Il s’agit de montrer au monde — et à nous-mêmes — qu’il n’y a pas qu’une seule façon d’être un homme autochtone.
Ce film ne cherche pas à imposer des réponses ou à redéfinir la masculinité d’une seule manière. Il veut plutôt créer un espace de réflexion, aider à voir ces hommes et ces garçons tels qu’ils sont, et présenter des moments de vulnérabilité et de force. J’espère qu’il encouragera les gens à aller au-delà des stéréotypes et à s’intéresser aux émotions et aux expériences que ces hommes ont en commun. Au fond, l’objectif est de montrer notre humanité, à notre façon.