Sans objets
2019 | 6 min 34 s
Grattage sur photographies argentiques
Sélections et prix
Mention spécialeAnimafest Zagreb, Croatia (2019)
Sélection officielle Vienna Shorts, Autriche (2019)
Sélection officielle Anima Mundi, Brésil (2019)
Sélection officielle Ottawa International Animation Festival, Ottawa, Canada (2019)
Sélection officielle St. John’s International Women’s Film Festival, St. John's, Newfoundland & Labrador (2019)
Sélection officielle Festival du nouveau cinéma - FNC, Montreal, Canada (2019)
Combinant des méthodes artisanales aux technologies numériques et analogiques, Sans objets transfigure les formes d’expression : la photographie y devient gravures et le son, mouvement. Ode au toucher où le geste est magnifié et où l’image s’entend, le film est une méditation à la fois tonifiante et contemplative sur la tactilité.
Synopsis
Textures, répétitions, vibrations, oscillations et bruits : l’image s’entend. Les photographies scarifiées composent et recomposent une horde de formes arrachées à la patience. Par la chorégraphie des tâches répétitives, les silhouettes apparaissent en taille directe, sculptées à même les surfaces. Sans objets est l’ouvrage d’une plasticienne pour qui l’image est matière et gestes. Tout devient posture et jeux de mains. L’énergie déployée transfigure les corps en lumière. Les images en mouvement parlent d’elles-mêmes. La trame sonore du court métrage en est aussi la démonstration. Sans objets est une méditation à la fois tonifiante et contemplative sur la tactilité.
Entrevue avec la cinéaste
Peux-tu nous expliquer les étapes techniques de réalisation de ton court métrage expérimental ? Tu navigues, semble-t-il, entre filmage, arrêt sur image, grattage puis retour à l’image en mouvement. Sans objets évoque le déploiement d’un processus continu où tout est mouvement et bricolage, où l’énergie transfigure les corps en lumière.
Je travaille à partir de prises de vues réelles, que je fais convertir en photographies. C’est un mélange de technologies numériques et analogiques. Pour Sans objets, il y a eu une douzaine de tournages. Avant de faire imprimer les séquences, je fais toujours un premier montage vidéo pour choisir les extraits, les gestes à utiliser… Une fois les séquences imprimées sur papier photographique, je passe à un long travail de grattage, pour modifier les images à la main, une par une. Après les avoir lavées des résidus d’émulsion et séchées, je les numérise. C’est ensuite que les images vidéo devenues fixes sont remises en mouvement, lors d’un deuxième montage. Je peux répéter le processus plusieurs fois, à partir d’une même photo. Je ne crée pas de façon linéaire, je peux passer d’une étape à l’autre selon l’évolution de mon travail… et je le fais sans scénarimage, je découvre l’œuvre au fur et à mesure que je la crée, à force de mouvements, d’expérimentations et de prises de décisions.
Sans objets, le titre de ton court métrage, est à la fois intrigant et révélateur. On croit avoir affaire à une abstraction, mais on comprend vite que « l’objet » du film est le geste. Et en ce sens, ses images en mouvement parlent d’elles-mêmes. Dans ton processus de création, le titre est-il un moteur ou bien est-il choisi comme point final ? Pourquoi le s définitif ?
J’ai toujours eu du mal à trouver des titres. Si ça ne tenait qu’à moi, toutes mes œuvres n’en auraient pas ! Pour moi, les titres ne sont pas un moteur, ni quelque chose de nécessaire à la compréhension d’une œuvre, mais quelque chose d’utile, quand vient le temps de la partager, de la diffuser. D’ailleurs, je consulte souvent mon entourage, pour les choix des titres. Alors, j’étais contente quand Marc Bertrand, le producteur de mon film, a proposé Sans objets. Son idée m’a tout de suite plu parce que c’est simple et que c’est un fait : on ne voit pas d’objets dans le film. Le mot « objet » est au pluriel simplement parce qu’il fait référence aux objets que l’on ne voit pas… et il y en a plusieurs !
Plusieurs personnes participent à ton court métrage en tant que figurant.e.s ou collaborateur.trice.s. Peux-tu nous confier comment tu les as approchées ? Pourquoi les as-tu choisies ? Cherchais-tu à figurer certains types de gestes précisément ?
On a filmé 14 personnes. Il aurait pu y en avoir beaucoup plus. À un certain moment, il a fallu que je me retienne d’en recruter davantage ! Pour le choix des participant.e.s, j’y suis allée de différentes manières, mais une des contraintes était de trouver des gestes qui permettent de bien voir les mains… qu’elles ne soient pas recouvertes ou trop encombrées des objets manipulés. Les tournages ont eu lieu dans différents endroits. Je suis allée chercher des gens qui me sont très familiers, d’autres que j’avais côtoyés quelques fois et d’autres qui se sont retrouvés sur mon chemin au gré de mes déplacements. Le choix des participant.e.s s’est parfois passé de manière spontanée, et d’autres fois, c’était à force d’y réfléchir. Dans certains cas, j’ai voulu faire des liens entre certains types de gestes, les objets utilisés et la position des corps. Aussi, plus de la moitié des gens qui figurent dans Sans objets sont musicien.ne.s ou artistes sonores, ce qui démontre mon grand intérêt pour ces formes d’expression. C’était vraiment super parce qu’ils ont tous accepté qu’on utilise leurs sons pour créer la bande sonore du film. J’ai beaucoup aimé mettre en scène tous ces gens, dont plusieurs ne se sont jamais rencontrés, dans une même image. C’était un beau casse-tête, mais j’aime beaucoup l’idée que toutes ces personnes se retrouvent dans un même tableau, pour ensuite le partager, parce que ce sont toutes des personnes qui m’inspirent, par ce qu’elles font et ce qu’elles sont.
Bien qu’il s’agisse d’images, on ne peut que penser matière et corps en observant celles qui constituent Sans objets. Plus que d’une artiste en arts médiatiques, ta posture est d’abord celle d’une plasticienne. Tu sculptes littéralement l’image pour en dévoiler les couches. C’est un travail absolument physique et qui exige du temps. Peux-tu nous confier ton expérience sur le temps et l’effort requis pour une séquence ?
Mon expérience est très variée, changeante, selon l’état dans lequel je me trouve au moment où je travaille et selon l’étape du processus à laquelle je suis rendue. Beaucoup de gens croient qu’il faut être patient pour faire de l’animation. Dans mon cas, je pense que c’est plus une question de désir, de volonté et d’entêtement. Parfois, je trouve le travail ardu et long, particulièrement quand le doute me prend, mais dans ce temps-là, j’essaie de me rappeler de ne pas trop m’inquiéter, de poursuivre, et c’est là que ça peut aider de passer à une autre étape. Ça me permet de prendre du recul et d’y revenir plus tard. D’autres fois, je ne vois pas le temps passer. Je suis absorbée et j’ai du mal à m’arrêter !
La technique que j’ai développée nécessite que je change de type d’activité, de poste de travail, de posture, de gestes… Je n’aime pas rester toujours dans la même position, mon corps ne tolère pas bien la sédentarité, alors ça me plaît. J’ai des douleurs chroniques, donc plus mes mouvements sont variés, mieux c’est ! C’était super, parce qu’à l’ONF ils en ont tenu compte, alors j’ai pu construire mon horaire en conséquence. Et avoir un poste de travail assis-debout.
Au-delà de la trame sonore de ton court métrage, faite de textures, de répétitions, de vibrations, d’oscillations et de bruits, et sachant que tu as une expérience notable en tant que percussionniste, peux-tu nous parler de ton rapport au rythme?
Mon rapport au rythme se situe sur le plan tant visuel que sonore. Si je regarde une image en mouvement en silence, il y a forcément un rythme qui stimule mes pupilles, surtout si je regarde une même séquence plusieurs fois. J’entends l’image, en quelque sorte. Et quand le son et l’image sont amalgamés, je suis sensible à la relation qu’il y a entre les deux. Si ce n’est pas au point à mon goût, je m’entête à chercher, pour trouver le « bon » rapport entre son et image. C’est très subjectif ! Mais c’est une étape importante pour moi… et tellement satisfaisante quand ça se passe ! Benjamin Proulx-Mathers, qui a fait la conception sonore de Sans objets, a une sensibilité semblable à la mienne, par rapport au rythme et aux microdétails des sons et des images. C’est une des raisons pour lesquelles je lui ai demandé de collaborer avec moi sur ce projet.
Avec 4min15 au révélateur, nous passions d’un espace intérieur au paysage urbain extérieur. Sans objets nous plonge au sein de paysages dont les reliefs deviennent vite des corps anonymes trimant dans des lieux clos. Concentrés, ils interagissent peu entre eux. Leurs mains cependant, légères, dansent. Les abstractions nous conduisent vers une certaine intériorité. Plus que l’allégorie d’une société besogneuse et individualiste, le court métrage Sans objets ne serait-il pas simplement une méditation à la fois tonifiante et contemplative sur la tactilité ?
« Simplement une méditation à la fois tonifiante et contemplative sur la tactilité » : j’aime ça ! J’ai toujours trouvé ça fascinant de voir les gens bouger. Sans objets est un film sur des gens qui bougent et sur l’énergie qu’ils déploient. En grattant les photos, c’est entre autres ce que j’avais en tête : essayer de traduire cette énergie en formes abstraites et vibrantes, de révéler ce qui est invisible à l’œil nu… de l’imaginer, du moins ! C’est une invitation à observer, à s’extraire de la réalité pour faire un plongeon dans le monde des sens, de la création et du jeu. J’aimerais que les gens puissent avoir une expérience sensorielle en voyant le film et en l’entendant. C’est aussi un genre d’hommage à tous ceux et celles qui travaillent de leurs mains, à l’état de concentration dans lequel ils se trouvent lorsqu’ils font ce qu’ils font.
Bande-annonce
Matériel promotionnel
Images
Équipe
Générique
Réalisation, animation, montage
Moïa Jobin-Paré
Conception sonore
Benjamin Proulx-Mathers
Caméra
Yannick Grandmont
Moïa Jobin-Paré
Consultation au montage
Karl Lemieux
Avec
Carol-Ann Belzil-Normand
Julie Cloutier Delorme
Simon Drouin
Klaus Filip
Thierry Guibert
Arnold Haberl
Dieter Kovačič
Francis Labissonnière
Cédric Dind-Lavoie
Thomas Nußbaumer
Jeanne Paré
Billy Roisz
Martin Tétreault
Julie Blanche Vandenbroucque
Musique, art sonore
Improvisations
Cédric Dind-Lavoie
Lèvres salées
Julie Cloutier Delorme
Mains libres
Martin Tétreault
Scie musicale, improvisation no 1
Simon Drouin
Solaris
Thierry Guibert
Sonic Luz
Klaus Filip
Arnold Haberl
Wohnzimmermusik
Billy Roisz
Dieter Kovačič
Direction technique
Pierre Plouffe
Yannick Grandmont
Coordination technique
Jean-François Laprise
Montage en ligne
Serge Verreault
Infographie
Cynthia Ouellet
Mixage
Isabelle Lussier
Coordination de studio
Michèle Labelle
Laetitia Seguin
Administration
Diane Régimbald
Karine Desmeules
Mise en marché
Karine Sévigny
Production déléguée
Anne-Marie Bousquet
Mylène Augustin
Productrice exécutive
Julie Roy
Producteur
Marc Bertrand
Relations de presse
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Nadine Viau
Attachée de presse – Montréal
C. : 514-458-9745
n.viau@onf.ca
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L’ONF en bref
L’Office national du film du Canada (ONF) est un chef de file dans l’exploration de l’animation comme forme d’art, de mise en récit et de contenu innovateur pour les nouvelles plateformes. Il produit des œuvres d’animation audacieuses dans ses studios situés à Montréal, mais aussi partout au pays, et collabore avec les créateurs et créatrices les plus en vue de la planète dans le cadre de coproductions internationales. Les productions de l’ONF ont remporté plus de 7000 récompenses, dont, en animation, 7 Oscars et 7 Grands Prix du Festival d’Annecy. Pour accéder à ces œuvres uniques, visitez ONF.ca.