Le tableau
2024 | 11 min 56 s
Animation sur l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker
Prix et festivals
Sélection officielle – Courts métrages en compétition L'officielleFestival international du film d'animation d'Annecy, France (2024)
Sélection officielle – Programme Time For The MastersAnimafest Zagreb – World Festival of Animated Film, Croatie (2024)
Sélection officielle – Compétition canadienneSommets du cinéma d'animation, Montréal, Canada (2024)
Sélection officielleOttawa International Animation Festival, Canada (2024)
Sélection officielleFlickers' Rhode Island International Film Festival, États-Unis (2024)
Sélection officielle – Compétition internationaleCINANIMA – International Animated Film Festival, Espinho, Portugal (2024)
Sélection officielleVancouver International Film Festival, Canada (2024)
Une production de l’Office national du film du Canada
Court métrage d’animation réalisé avec le célèbre écran d’épingles Alexeïeff-Parker, Le tableau revisite le destin de la reine Marie-Anne d’Autriche, immortalisée en 1652 par Vélasquez. Mariée à 14 ans à son oncle Philippe IV d’Espagne, de 30 ans son aîné, la jeune femme connaît un sombre destin : ses cinq enfants, fruits de maintes générations d’unions consanguines, meurent prématurément ou sont inaptes à régner, mettant fin à la puissante dynastie des Habsbourg d’Espagne.
La cinéaste Michèle Lemieux réinvente la toile de Vélasquez avec un savoir-faire d’une précision stupéfiante. L’artiste se laisse guider tant par sa méditation sur la violence de l’inceste institutionnalisé que par des rêveries qui semblent naître de l’instrument lui-même. Les jeux d’ombre de centaines de milliers d’épingles, combinés à des effets croisés de lumière et de couleur, animent les regards, déforment les visages et dissolvent la matière même de l’œuvre. À la fois charnel et intangible, troublant et tendre, ce film-poème réfléchit à sa propre (im)matérialité et au pouvoir de l’art de capter les âmes — ou de les consoler.
Bande-annonce
Affiche
EN QUELQUES PHRASES ET EN UNE PHRASE
En quelques phrases
Court métrage animé sur l’écran d’épingles, Le tableau revisite le portrait de la reine Marie-Anne d’Autriche peint en 1652 par Vélasquez. Avec une maîtrise stupéfiante de son instrument, la cinéaste Michèle Lemieux joue d’ombre et de lumière pour évoquer le destin tragique de Marie-Anne, mariée à 14 ans à son oncle. Œuvre expérimentale aussi troublante que tendre, ce film-poème est une méditation sur la violence de l’inceste institutionnalisé et sur le pouvoir de l’art de capter les âmes.
Présentation en une phrase
Animé sur l’écran d’épingles, ce film revisite le destin tragique de la reine Marie-Anne d’Autriche, immortalisée en 1652 par Vélasquez.
SYNOPSIS LONG
Court métrage d’animation réalisé avec le célèbre écran d’épingles Alexeïeff-Parker, Le tableau traverse les siècles pour revisiter le destin de la reine Marie-Anne d’Autriche, immortalisée en 1652 par le peintre Diego Vélasquez. Mariée à 14 ans à son oncle Philippe IV d’Espagne, de 30 ans son aîné, avec la lourde responsabilité de lui donner un héritier mâle, Marie-Anne n’a que 18 ans sur le portrait brossé par le maître espagnol, mais ses yeux laissent déjà transparaître la tristesse et la solitude. Les cinq enfants qu’elle mettra au monde, fruits de 16 générations d’unions consanguines, mourront prématurément ou seront inaptes à régner, et la puissante dynastie des Habsbourg d’Espagne s’éteindra, victime de sa propre politique familiale.
Fascinée par la peinture de la jeune femme et les drames historiques qu’elle renferme, Michèle Lemieux, cinéaste d’animation reconnue, joue d’ombre et de lumière pour donner vie à un imaginaire qui se déploie au-delà du temps. S’ouvrant sur un environnement muséal, le film soustrait Marie-Anne à la cour d’Espagne pour faire émerger une figure intemporelle fragile et mystérieuse.
Héritière artistique de l’un des deux seuls écrans d’épingles Alexeïeff-Parker en activité dans le monde, Michèle Lemieux réinvente la toile de Vélasquez avec un savoir-faire d’une précision stupéfiante, combiné à une grande liberté créative. L’artiste se laisse guider tant par sa méditation sur la violence de l’inceste institutionnalisé que par des rêveries qui semblent naître de l’instrument lui-même. Ses effets croisés de lumière et de couleur animent les regards, déforment les visages et dissolvent la matière même de l’œuvre. Des détails du tableau germe un univers grouillant de vie — racines, organes, oiseaux, tempêtes — d’où sourd déjà la mort. Au gré des éclairages mouvants se révèlent de troublantes ressemblances, le portrait de Marie-Anne ayant été peint trait par trait par-dessus celui de son oncle-époux. Comme par magie, les jeux d’ombre de centaines de milliers d’épingles tour à tour sculptent le carcan patriarcal et l’estompent pour affranchir les corps.
Rehaussé par des textures sonores évocatrices, Le tableau est un film-poème à la fois charnel et intangible, troublant et tendre, céleste et profondément humain. Michèle Lemieux signe une œuvre expérimentale d’envergure qui, loin de la simple biographie historique ou de la peinture animée, réfléchit à sa propre (im)matérialité et au pouvoir de l’art de capter les âmes — ou de les consoler.
l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker
Dans la grande famille des techniques d’animation, l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker, pourtant inventé au début des années 1930, demeure un dispositif énigmatique et peu connu. Le modèle appartenant à l’ONF est un panneau placé à la verticale et composé de centaines de milliers de minuscules tubes blancs maintenus par pression à l’intérieur d’un cadre ; chaque tube est traversé par une petite épingle rétractable dépassant de quelques millimètres. Dans l’obscurité totale, l’écran est éclairé latéralement de sorte que ses aiguilles, selon leur degré d’enfoncement, projettent des ombres plus ou moins longues. Les aiguilles génèrent ainsi une multitude de valeurs de gris, du noir profond au blanc lumineux ; complètement enfoncées, elles ne laissent plus d’ombres et font donc apparaître le blanc de l’écran.
Pour réaliser un film d’animation, l’artiste intervient sur le tapis d’épingles à l’aide de petits objets divers, de façon à former un dessin en relief. Ensuite, il ou elle prend une photo, puis modifie un peu son dessin avant de prendre une seconde photo, et ainsi de suite. Il faut 24 de ces photos pour constituer une seconde d’animation. Cette trame d’épingles et d’ombres crée une gamme de dégradés donnant à l’image animée l’aspect d’une gravure ou d’un dessin au fusain. Tel un instrument de musique, cet appareil aussi rare que remarquable invite à l’improvisation, à l’exploration intuitive.
C’est en 2006, lors d’un atelier offert à l’ONF par le cinéaste québécois Jacques Drouin, que Michèle s’essaye pour la première fois à l’écran d’épingles Alexeïeff-Parker. Elle a tout de suite le coup de foudre pour cette technique singulière et riche de possibilités. Son mentor, qui a utilisé l’appareil pour réaliser des chefs-d’œuvre tels que Le paysagiste (1976) et L’heure des anges (1986), a longtemps été seul à faire des films de cette manière, préservant cet héritage précieux à l’ONF. Il transmettra à Michèle les secrets de l’instrument, de sa manipulation à son entretien, en passant par son histoire et ses différents exemplaires. Elle-même réalise deux courts métrages grâce à ce procédé, Le grand ailleurs et le petit ici (2012) et son tout récent Le tableau (2024), dans lequel elle introduit des expérimentations formelles à l’aide de gélatines colorées et d’éclairages mouvants.
Michèle Lemieux compte aujourd’hui parmi les rares héritières artistiques de cette pratique mythique. L’instrument sur lequel elle travaille, surnommé le NEC (pour « nouvel écran »), est constitué de 240 000 épingles contenues dans une surface de 52 centimètres par 39. À l’instigation du maître du cinéma d’animation Norman McLaren, l’ONF en a fait l’acquisition en 1972 auprès du couple d’inventeurs lui-même, le Français d’origine russe Alexandre Alexeïeff et l’Américaine Claire Parker. L’objet est une version plus élaborée du modèle original conçu dans les années 1930.
Seuls deux écrans d’épingles Alexeïeff-Parker sont aujourd’hui en activité dans le monde : celui de Montréal et « l’Épinette », une version fabriquée en 1977 et restaurée par Jacques Drouin puis Michèle Lemieux. Ce second modèle appartient depuis une dizaine d’années au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) de France ; en 2015, Michèle Lemieux l’utilise lors d’un atelier de formation donné à un groupe de cinéastes à Annecy. La transmission se poursuit, des vocations se dessinent et d’autres exemplaires se fabriquent, redonnant une nouvelle vitalité au « stradivarius de l’animation ».
MOT DE LA RÉALISATRICE
J’avais 20 ans quand, pour la première fois, j’ai croisé le regard de la reine Marie-Anne d’Autriche, telle que peinte par Diego Vélasquez en 1652. J’y voyais l’expression d’une âme, le fragment silencieux de la vie de quelqu’un qui me touchait profondément, par-delà le temps, alors que j’ignorais tout d’elle. De la peinture, des pinceaux, des taches de couleur et de lumière disposées avec une extraordinaire liberté : il m’a semblé que cette capacité à générer un tel flux d’émotion avec si peu de moyens tenait du miracle, et qu’une vie ne me suffirait pas pour en percer le secret. Marie-Anne a été mariée à 14 ans à son oncle Philippe IV d’Espagne, de 30 ans son aîné. De l’âge de 17 à 39 ans, elle verra mourir tous ses enfants et petits-enfants, marqués par des générations d’alliances consanguines. Seul son fils Charles II, lourdement handicapé, lui survivra de quelques années.
Le tableau, c’est le film d’une femme qui réfléchit à un destin de femme : la place qui lui est dévolue, le rôle qui lui est imposé, la mainmise sur son corps, sur son intimité, les exigences réductrices imposées par les hommes, le cours de sa vie qui ne lui appartient pas. C’était vrai en 1652, au moment où Marie-Anne posait pour Vélasquez, et ce l’est malheureusement encore aujourd’hui dans trop d’endroits du monde. L’histoire officielle s’intéresse peu à la vie et au corps des femmes ; la parole confisquée fait partie d’un patrimoine féminin commun. Je ne peux qu’imaginer la vie que Marie-Anne a vécue, mais je ne saurai jamais rien de ses sentiments, de ses pulsions, de ses talents. Le tableau ne se révèle pas entièrement, il conserve sa part de mystère. Et pourtant, il continue de m’interpeller, parce que ce que je vois, c’est une jeune femme qui pense comme si elle était vivante. Un fragment de vie, un moment d’humanité qui ne se vide pas.
Tout au long de ma vie, je suis revenue à ce tableau. Il a été mon tableau-école, je l’ai beaucoup regardé, copié et, à un certain moment même, j’ai eu le sentiment que le regard s’est inversé. Ce n’était plus moi qui regardais Marie-Anne, mais elle qui m’observait : si je voulais comprendre la tristesse de son regard, c’est à l’intérieur de moi que je devais chercher.
J’ai voulu faire un film qui se lise non pas comme une biographie, mais plutôt comme un poème. Un film qui suive les mouvements de la pensée et des souvenirs, qui ne révèle pas tout. Le fil du film s’est construit de façon très organique, évoluant avec mon vécu, et me réservant des surprises jusqu’à la fin. De par le processus de création qui a régi la réalisation des images et le montage, c’est un film expérimental.
J’ai voulu préserver les attributs d’immobilité et de silence propres à la peinture en créant le mouvement par succession d’images fixes liées entre elles par des jeux de lumière. En mettant en scène un tableau de Vélasquez, grand coloriste et maître de la lumière, il m’apparaissait essentiel d’introduire la couleur à l’écran d’épingles en mettant à profit une composante intrinsèque de l’instrument : la lumière. Après un long travail de recherche, j’ai mis au point des façons d’éclairer l’instrument qui sortent des pratiques habituelles en noir et blanc. J’ai développé des techniques d’éclairage multiples, mobiles, utilisant des gélatines colorées et intervenant sur les durées d’exposition. Cette technique expérimentale a donné des résultats surprenants et inattendus. La collaboration avec la monteuse Annie Jean a été capitale. Le film s’est écrit et en partie animé en salle de montage, dans la création du mouvement au moyen de fondus.
Le travail en symbiose s’est élargi à la conception sonore avec la collaboration de Catherine van der Donckt. Le son est notre point de rencontre avec Marie-Anne comme être vivant et non plus comme représentation sur un tableau. On ne l’entend pas comme personnage historique, mais comme femme intemporelle qui marche vers son destin, même si elle reste silencieuse comme dans un tableau. Les sons nous parviennent comme assourdis, déformés, décalés, ayant perdu leur pureté originelle. Le passage du temps les a altérés. Ils projettent désormais une trace, ils sont fugitifs, mais proviennent d’une mémoire. Il en est de même pour la musique de Robert Marcel Lepage, dont la trame se tisse dans le chaos de la pensée.
Marie-Anne restera présente parmi les vivants tant que ce tableau existera, en vrai et en reproduction. C’est le cadeau d’éternité que Vélasquez lui a offert. Tout le monde n’a pas cette chance. Il aurait suffi d’un peintre médiocre, ou simplement sans génie, et elle aurait presque cessé d’exister à la face du monde. Elle ne serait que quelques lignes écrites dans les pages des livres d’histoire.
Michèle Lemieux
Extrait
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Images
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Équipe
Générique
Scénario, animation, réalisation
Michèle Lemieux
Production
Christine Noël
Julie Roy
Montage
Annie Jean
Conception sonore
Catherine Van Der Donckt
Musique originale et adaptation de Mareta, mareta no’m faces plorar
Robert Marcel Lepage
Conseiller à la conception sonore
Benoît Dame
Chant solo
Bronwyn Thies-Thompson
Voix
Annie Jean
Musiciens
Guitare baroque et tambourin
Kerry Bursey
Violoncelle
Sheila Hannigan
Viole de gambe
Pierre-Yves Martel
Violon
François Pilon
Enregistrement sonore
Geoffrey Mitchell
Mixage
Jean Paul Vialard
Animation de séquences additionnelles
Nicolas Liguori
Graphisme
Réjean Myette
Infographie
Pascal Huynh
Alexandre Morin, ZABELLE Inc.
Traduction
Helge Dascher
Assistance à la production
Pierre M. Trudeau
Consultation, histoire de l’art
Alexandre Grégoire
Montage en ligne
Serge Verreault
Coordination technique
Lyne Lapointe
Jean-François Laprise
Mira Mailhot
Esther Viragh
Direction technique
Pierre Plouffe
Eric Pouliot
Spécialiste technique en animation
Yannick Grandmont
Coordination de studio
Michèle Labelle
Rose Mercier-Marcotte
Laetitia Seguin
Administration
Karine Desmeules
Diane Régimbald
Coordination principale de production
Josiane Bernardin
Camila Blos
Nellie Carrier
Conseil juridique
Christian Pitchen
Recherche libération de droit
Sylvia Mezei
Mise en marché
Geneviève Bérard
Relations de presse
Nadine Viau
Inspiré du portrait La reine Marie-Anne d’Autriche (1652-1653)
Peint par Diego Rodríguez de Silva y Velázquez (Séville, 1599 – Madrid, 1660)
Huile sur toile
Hauteur : 234,2 cm; largeur : 132 cm
Collection Museo Nacional del Prado, Madrid, Espagne
© Photographie d’archives Museo Nacional del Prado
Production déléguée
Mylène Augustin
Mélanie Boudreau Blanchard
Anne-Marie Bousquet
Remerciements
Jacques Drouin
Annie Jean
Folimage
Angela Grauerholz
Olivier Calvert
David Shewan
Patrick Bouchard
Claude Cloutier
Theodore Ushev
Carlos Ferrand
Oana Suteu Khintirian
Remerciement particulier
Wolfgang Noethlichs
Le tableau
Studio d’animation du Programme français
Office national du film du Canada
© Office national du film du Canada, 2024
Relations de presse
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Nadine Viau
Attachée de presse – Montréal
C. : 514-458-9745
n.viau@onf.ca
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L’ONF en bref
L’Office national du film du Canada (ONF) est un chef de file dans l’exploration de l’animation comme forme d’art, de mise en récit et de contenu innovateur pour les nouvelles plateformes. Il produit des œuvres d’animation audacieuses dans ses studios situés à Montréal, mais aussi partout au pays, et collabore avec les créateurs et créatrices les plus en vue de la planète dans le cadre de coproductions internationales. Les productions de l’ONF ont remporté plus de 7000 récompenses, dont, en animation, 7 Oscars et 7 Grands Prix du Festival d’Annecy. Pour accéder à ces œuvres uniques, visitez ONF.ca.