Le nid
2025 | 89 min
Documentaire
Anglais, japonais, language des signes américain, sous-titré en français
Prix et festivals
Sélection officielleFestival canadien du documentaire international Hot Docs, Toronto, Canada (2025)
Sa mère parvenue en fin de vie, l’écrivaine décoloniale Julietta Singh revient faire ses adieux à la maison de son enfance. En creusant l’histoire de la demeure, elle découvre 140 ans de matriarcat oublié et de récits politiques dont elle n’avait jamais eu connaissance. Dans ce documentaire intercommunautaire défiant les genres, une simple maison, lieu d’histoires isolées et réduites au silence, se transforme en un site au vaste potentiel de radicalité.
Synopsis
Sa mère parvenue en fin de vie, l’écrivaine décoloniale Julietta Singh revient faire ses adieux à la maison hantée de son enfance. En se plongeant dans l’histoire de la demeure, elle reconstitue 140 ans d’histoire de matriarches oubliées et de rebelles politiques dont elle n’avait jamais entendu parler.
Julietta Singh a fait équipe avec le cinéaste salué par la critique Chase Joynt (Framing Agnes, No Ordinary Man) pour réaliser ce récit collaboratif intercommunautaire à teneur politique, qui tisse avec adresse les histoires, toutes interreliées grâce à la maison, d’une Métisse, d’une personne sourde et de femmes d’origine japonaise et sud-asiatique.
Réflexion sur la mémoire, le matriarcat et l’héritage durable des voix réduites au silence, le film s’interroge sur celles et ceux qui sont tombés dans l’oubli de l’histoire et sur ce que nous avons à gagner à les ressusciter. Le nid fait d’une simple maison, lieu d’histoires isolées, un site au vaste potentiel collectif de radicalité.
Synopsis détaillé
Enfant, Julietta Singh est persuadée que la vieille maison victorienne dans laquelle elle vit est hantée. Bruit de pas mystérieux, portes qui claquent et coups de vent soudains contribuent à l’ambiance quelque peu gothique des lieux.
Lorsqu’à la suite d’une chute dans les escaliers, sa mère octogénaire devient invalide, Julietta, écrivaine et spécialiste des études décoloniales, revient faire ses adieux à la maison de son enfance. Pressentant que sa mère figurera bientôt parmi les fantômes de la maison, elle se met en quête des autres matriarches de la demeure, ces spectres dont elle devine la présence depuis l’enfance. Ce qu’elle découvre alors est la chronique extraordinaire d’affranchies oubliées et de rebelles discrètes, d’histoires tues et de voix réduites au silence, toutes interreliées, sur une période de 140 ans, grâce à la maison.
Ont ainsi honoré ces murs de leur présence, au fil du temps : la révolutionnaire métisse qui a fondé l’hôpital où sa mère est en convalescence ; une enseignante sourde qui refuse de se soumettre aux dictats capacitistes de son époque ; une mère japonaise et sa fille qui y ont élu domicile après leur internement durant la guerre ; et la mère de Julietta, une militante écoféministe de longue date qui a élevé des enfants aux origines mixtes.
Pour réaliser ce documentaire à la trame habile, Julietta Singh a fait équipe avec Chase Joynt, un cinéaste salué par la critique (Framing Agnes, No Ordinary Man). Ensemble, ils ont brossé un portrait intercommunautaire défiant les genres, qui remet en question les récits d’appartenance coloniaux qu’on nous a enseignés. Des points communs et de curieuses coïncidences émergent entre les résidentes oubliées de ce « nid », ces proches avec qui Julietta Singh dit avoir noué des « liens de pierre ». Les enjeux, personnels et politiques, de justice pour les personnes handicapées, d’alliances interraciales et de résistance à l’esprit colonial sont aussi mis au jour.
Repoussant les limites de sa pratique documentaire novatrice, Chase Joynt a créé avec Julietta Singh un espace où collaboratrices et collaborateurs — descendantes et descendants, militantes et militants, et membres des communautés — sont invités à ranimer leurs histoires et à reprendre leur place au sein de celles-ci. Par l’entrelacement de ces récits divers, « le nid », lieu d’histoires isolées et réduites au silence, se transforme en un site au vaste potentiel de radicalité. En jetant un éclairage sur ces esprits déchus, le film nous invite à nous demander qui sont ces gens égarés dans les archives de l’histoire et ce que nous avons à gagner à les ressusciter.
En une phrase
Dans une maison aux mille secrets, des lignées de matriarches tombées dans l’oubli ressurgissent pour révéler des histoires inédites de résistance anticoloniale.
Mot de la cinéaste - Julietta Singh
En 2018, ma mère est devenue invalide après avoir fait une chute dans les escaliers de la maison de mon enfance. Elle avait alors 80 ans et gérait encore dans cette maison un gîte touristique quatre étoiles, après des décennies de militantisme écoféministe local. Elle avait résidé dans cette demeure durant 40 ans et consacré une bonne partie de sa vie à la préserver et à la restaurer. Je plaisantais d’ailleurs souvent en lui disant qu’elle était si indissociable de la maison que je finissais par penser qu’elles ne faisaient qu’une.
Comme professeure d’études postcoloniales et écrivaine, j’explore dans mon travail les aspects profondément politiques de la vie quotidienne. Je m’intéresse tout particulièrement aux manières de repenser les questions d’appartenance dans un contexte colonial. C’est pourquoi, alors que je me préparais à dire adieu à la maison de ma mère, je me suis intéressée à l’histoire de cette demeure, dans le but de situer ma mère — et, de là, de me situer moi-même — dans le temps.
Ce que je n’aurais pu imaginer, c’est tout ce que recelait cette maison d’incroyables histoires à la résonance politique, de féministes assujetties et de communautés minorisées. Ces femmes du passé que mes recherches mettaient au jour sont rapidement devenues mes sœurs, tantes, mères et grand-mères transhistoriques. En tant qu’enfant racisée de parents immigrants, ma compréhension de la notion de « chez-soi » et du sentiment d’appartenance a soudainement changé, tout comme mon impression d’attachement éthique et de responsabilité envers les autres communautés dont l’histoire marginalisée était entremêlée à la mienne.
Lorsque j’ai découvert les récits extraordinaires de ces rebelles oubliées, matriarches radicales et femmes au foyer issues de diasporas, je suis entrée en contact avec les groupes communautaires dont l’histoire, comme la mienne, était liée à la maison. J’ai fait part avec beaucoup d’enthousiasme de l’avancement de mes recherches à Chase, qui s’est immédiatement écrié : « C’est le sujet de mon prochain film ! » Ainsi a débuté un travail expérimental qui s’est étalé sur plusieurs années et m’a permis d’établir d’étroites collaborations avec les communautés qui, à mon insu, avaient un lien avec moi. Plus encore que d’offrir une version féministe de l’histoire de la demeure coloniale de ma mère, Chase et moi avons choisi d’intégrer ces communautés à nos recherches et de les inviter dans cette la maison, afin qu’elles puissent y retrouver et y reprendre leur place, et pour créer un espace, littéral et créatif, qui permette à nos passés respectifs de converger.
Avec Le nid, nous avons souhaité faire un film grâce auquel nous pourrions redécouvrir et refaçonner collectivement la notion de chez-soi, en transformant un site d’histoires personnelles isolées en un endroit au vaste potentiel de radicalité et de possibilités historiques. Ce faisant, nous voulions nous convier, toutes et tous — et plus particulièrement celles et ceux qui ont subi les affres du racisme, du sexisme et du capacitisme —, à repenser ce à quoi et à qui nous nous croyons appartenir.
Mot du cinéaste - Chase Joynt
Je me suis longtemps méfié du documentaire en tant que genre. Trop souvent, il repose sur des portraits de différences vues de l’extérieur : une forme cinématographique conçue pour éduquer l’auditoire et ouvrir ce dernier à des mondes « autres ». C’est en remettant en question les dynamiques de pouvoir en jeu dans le cinéma documentaire que j’ai commencé, jeune cinéaste, à expérimenter avec la forme. Je me suis demandé de quelle manière changerait la réalisation de documentaires si l’on mettait en place de nouvelles règles, non seulement en ce qui a trait à la participation, mais aussi à la collaboration. Qu’arriverait-il si l’on cessait de placer nos sujets dans un cadre prédéterminé et que l’on faisait du documentaire une invitation à explorer la représentation elle-même ?
Mes documentaires passés s’intéressaient à la manière dont le genre tout à la fois nourrit et obscurcit les histoires des personnes transgenres. Mon incursion dans Le nid m’a permis d’étendre ce travail et de le faire évoluer. J’admire la pensée transformatrice de Julietta depuis notre toute première rencontre, et les histoires qu’elle a révélées à propos de la maison de son enfance m’ont tout simplement fasciné. J’ai tout de suite su que mon approche méthodologique de la représentation des personnes trans concorderait de manière dynamique avec sa perspective décoloniale du récit, et plus particulièrement avec sa façon de concevoir le chez-soi, non pas comme un espace d’isolement personnel, mais comme un lieu abritant des histoires féministes détonantes et oubliées. Et le défi formel qui consistait à créer un récit autre d’une nation à partir d’un seul espace de vie domestique et de ses abords m’a enthousiasmé.
Dès le moment où j’ai convaincu Julietta que nous tenions un film, nous nous sommes donné pour mission de créer des liens forts et pérennes avec des organismes communautaires dont les histoires convergeaient toutes vers la maison : la Fédération des Métis du Manitoba, l’École pour les sourds du Manitoba et l’Association culturelle japonaise du Manitoba. Cela a été un grand honneur de prendre part à un processus intercommunautaire impliquant des recherches historiques collectives, des conversations de longue haleine, la transmission d’un savoir culturel et la narration collective d’un récit permettant la résurgence communautaire et cinématographique d’histoires féministes oubliées. Nos collaboratrices et collaborateurs issus de diverses communautés ont de plus pris part à la production du film, que ce soit en apportant des nuances à nos sujets historiques, en nous aidant à faire des choix de décor, de costumes d’époque ou traditionnels, ou en veillant à tous ces petits détails culturels dont chaque communauté savait pertinemment s’ils devaient (ou ne devaient pas) apparaître à l’écran. Ce processus a engendré sur le plateau une telle intimité et une telle attention mutuelle que notre équipe de tournage a souvent dit à la blague que nous aurions dû faire un film sur notre film !
Tant le processus que le produit final sont là pour nous rappeler ce qu’un documentaire permet : non plus le simple portrait des histoires des autres, mais l’entrelacement de nos histoires en quelque chose qui peut converger pour refaçonner notre conception du monde et de ses possibilités.
Entrevue avec les cinéastes du Nid
Pourriez-vous nous parler tous les deux de la genèse de ce projet ? Du moment où vous avez dépassé la simple curiosité et la recherche personnelle pour en arriver à souhaiter investir votre temps dans cette histoire et la raconter au reste du monde ?
JS : En tant qu’autrice de non-fiction, il y a toujours de grandes chances que je finisse par faire partager ma curiosité et mes recherches personnelles au reste du monde ! Le nid, toutefois, est une entreprise unique parce qu’initialement, elle s’adressait à ma mère. Ma mère faisait face à la fin de sa vie à la maison, après une chute qui l’avait laissée invalide. Je voulais en savoir plus sur la longue histoire de cette demeure pour que ma mère ait le sentiment de faire partie de quelque chose de plus vaste que ses luttes personnelles qui s’y déroulaient alors. Quand j’ai commencé mes recherches, je n’aurais jamais pu imaginer l’incroyable série d’histoires qui s’entremêlaient dans un seul et même lieu, dont je n’avais pour ainsi dire aucune idée lorsque j’y vivais enfant. Ainsi, ma démarche s’est-elle vite transformée non seulement en un projet intime avec et pour ma mère à la fin de sa vie, mais aussi en une entreprise qui me permettait d’explorer l’effacement de l’histoire des femmes et des héritages des communautés minorisées. Je savais que je voulais diffuser cette idée centrale : nous habitons des lieux sursaturés d’histoires qui nous sont inconnues, et ces histoires font partie de nous, même si on ne nous les a jamais racontées. Mais je me questionnais sur la meilleure façon d’accomplir cela…
CJ : Je venais de terminer mon dernier long métrage lorsque Julietta m’a parlé des découvertes qu’elle était en train de faire sur la maison de son enfance. J’ai su tout de suite que je pouvais réaliser une œuvre extraordinaire avec cette matière. La somptueuse trame de récits, combinée à la voix singulière et saisissante de Julietta comme autrice, m’a semblé une occasion unique d’examiner les points de convergence de nos pratiques créatives. La volonté de faire connaître ces histoires au public était indissociable de l’un des pivots de notre projet : les communautés qui avaient vécu dans la maison, et qui vivraient donc dans le film, souhaitaient participer, explorer, et être représentées. C’est une collaboration interculturelle qui dépasse largement ce que l’on découvre à l’écran qui a permis au film de voir le jour.
L’ampleur des recherches que vous avez dû effectuer n’est pas évoquée dans le documentaire (et c’est compréhensible). Pouvez-vous décrire ce que cela a impliqué, tout au début, avant de savoir ce que vous cherchiez ? Qui avez-vous appelé, que cherchiez-vous, dans combien de puits sans fond êtes-vous tombés ? En quoi vos recherches et écrits universitaires antérieurs ont-ils influencé vos recherches pour le film ? En quoi sont-ils différents ?
CJ : C’est surtout à Julietta de répondre à cette question. Mais je dois dire une chose : le processus de recherche a été un spectacle extraordinaire !
JS : Le projet a commencé virtuellement, pendant la pandémie, par des conversations avec ma mère lorsque nous étions séparées par une frontière fermée. Ensuite, j’ai consulté les archives de la ville et de la province. Après avoir localisé les récits oubliés ou méconnus du lieu, j’ai cherché à en savoir le plus possible sur ses matriarches. J’ai contacté nos organismes collaborateurs, à l’ancienne. Je les appelais à l’improviste et je leur disais : « Je suis écrivaine et j’ai grandi dans cette maison liée à l’histoire de votre communauté… » Tout le monde — la Fédération des Métis du Manitoba, l’École pour les sourds du Manitoba et l’Association culturelle japonaise du Manitoba — m’a accueillie avec beaucoup de dynamisme et d’enthousiasme. Tous les organismes étaient d’accord pour se réapproprier leur histoire de manière créative : c’est l’étincelle qui a lancé le projet. La richesse des ressources auxquelles ils nous ont donné accès, qu’il s’agisse de collections d’archives, de témoignages verbaux ou d’objets irremplaçables, était incroyable. Nous étions tous à la recherche de notre passé. Nous nous efforcions de relier nos récits cloisonnés pour raconter une histoire plus vaste.
Quant aux recherches infinies qui ne cessaient de déboucher sur une multitude de nouvelles pistes, nous avons en effet découvert beaucoup plus de choses que nous n’avons pu en inclure dans le film ! Franchement, le tri s’est révélé très difficile. En ce qui concerne les femmes, nous avons opté pour les matriarches méconnues de la maison. Bien sûr, d’autres filles, d’autres femmes ont habité les lieux à divers titres au fil du temps. J’ai aussi remarqué une certaine ambiguïté dans les archives concernant deux maisons voisines construites par Annie [Bannatyne], toutes deux appelées « La résidence Bannatyne ». L’une était un château écossais rasé en 1950 et l’autre, la maison de ma mère. Plutôt que de me perdre en conjectures sur l’identité de chaque résidence dans les archives, j’ai commencé à considérer les deux maisons comme un seul et même espace : la « petite » était toujours debout et nous rappelait sa cousine architecturale démolie.
Qu’est-ce qui vous a poussés à faire un documentaire plutôt qu’un livre, un essai ou autre chose ?
CJ : Une grande partie de mon travail documentaire s’intéresse aux archives et à leur effacement. Tandis que Julietta explorait le processus de recherche et les liens communautaires émergents, elle découvrait de nombreuses histoires méconnues ou peu connues de la maison et de ses résidents et résidentes. Cependant, nous savions dès le départ que les traces historiques seraient limitées. Chaque obstacle, chaque impasse nous obligeait à reprendre le dialogue avec nos collaboratrices et collaborateurs, pour ouvrir ensemble une nouvelle voie dans le film. Ce processus s’articulait autour de plusieurs axes : séances de remue-méninges, imagination nourrie d’histoire, tolérance à l’évolution de la narration au fil du temps. Sur le papier, on peut établir ces relations grâce à des descriptions, à des explications. En revanche, à l’écran, nous pouvions montrer ce que cela donne, comment ces relations sonnent, se ressentent, de quoi elles ont l’air.
JS : Sans Chase, je n’aurais jamais pensé transformer ce projet en film… Nous étions dans le même monde et chacun de nous admirait le travail de l’autre. Il était convaincu, et je lui ai fait confiance ! J’avais déjà écrit sur la complexité de ma mère, à la fois parent et militante, et sur la maison elle-même dans mon livre The Breaks. C’est une longue lettre à ma fille sur la race et la maternité à la fin du monde. Mais pour Le nid, je voulais quelque chose de plus que des mots sur une page… Je voulais incarner ces figures historiques perdues, les voir évoluer en chair et en os, me souvenir d’elles, sentir leurs corps se déplacer dans les espaces de ma jeunesse. Je voulais inviter leurs communautés et leurs descendantes et descendants à l’intérieur pour les ressusciter. Dès le départ, je me suis investie dans l’essence collaborative du projet, sans me soucier du résultat formel. C’était un grand pas en avant pour moi : d’ordinaire, je suis une écrivaine solitaire. Quant à la certitude de Chase que ce projet était documentaire et déjà en cours de réalisation, elle m’a paru juste.
Les documentaires semblent faire l’objet d’un certain nombre de critiques quant à la manière dont les sujets sont traités et dont leurs voix sont entendues, ou déformées. Vous abordez vos sujets d’une manière totalement différente de la formule des « têtes parlantes », par exemple. Pouvez-vous nous parler du processus de collaboration ?
JS : Ça, c’est une question pour Chase Joynt !
CJ : La méthode de recherche conventionnelle est souvent critiquée pour son manque de considération pour les personnes concernées. Elle consiste en général à extraire des informations sans se soucier de leur effet, ce qui nécessite souvent beaucoup d’énergie, d’expérience et de compétences de la part des protagonistes, et ne donne que très peu, voire rien, en retour. Pour éviter cette dynamique, il faut d’entrée de jeu cocréer des attentes en matière de participation. Cela nous oblige, comme cinéastes, à rester ouverts à la transformation et à la révision tout au long du processus créatif. Nous avons imaginé les histoires que l’on présente à l’écran avec les membres de la communauté, à leur côté. Nous nous sommes également engagés dans une démarche rigoureuse de retour d’information auprès des collaboratrices, collaborateurs et conseils afin d’obtenir l’autorisation, l’approbation et l’aval nécessaires pendant tout le tournage.
Vous intégrez des personnages historiques au documentaire, sans pourtant recourir aux reconstitutions classiques. Parlez-nous de ce qui vous a inspiré cette approche, notamment de la manière dont vous avez travaillé avec les personnes qui paraissent à l’écran, de la manière dont vous les avez dirigées, préparées et habillées.
CJ : Notre complicité durable avec ces artistes a été une expérience en temps réel de ce que nous appelons une « réincarnation ». Il s’agit d’une révision et d’une réinterprétation nécessaires de ce que l’on pourrait à l’origine voir comme une reconstitution historique. Cette réincarnation permet de créer du sens dans un esprit de collaboration avec les participantes et participants, dimension qui est d’ordinaire évacuée de la reconstitution historique. Ce processus repose sur l’existence d’une trace originale. Ainsi, cette réincarnation nous libère-t-elle des contraintes d’un passé archivistique donné et nous invite-t-elle à une nouvelle forme de cohabitation cinématographique. Nous avons aussi appliqué cette méthode à la conception des costumes et à la production en explorant, avec notre équipe de tournage et nos collaboratrices et collaborateurs, des voies historiquement fondées, mais imaginatives pour animer le passé dans le présent. Il ne s’agissait pas tant de viser une reproduction exacte que de tisser une trame à partir de ce que nous avons appris grâce à la recherche et à la communauté. Nous devions laisser suffisamment de place pour créer ensemble à partir des trous qui parsèment ce savoir historique.
S’il s’agit fondamentalement d’un engagement politique, il s’agit aussi d’une prise de position esthétique.
JS : L’une des choses que j’aime dans ce film, c’est que, dans les scènes de l’École des sourds et dans les scènes japonaises entre mère et fille, Chase et moi n’avions pas la moindre idée de ce qui se disait à l’écran au moment où les scènes se déroulaient ! Joanna [Hawkins] avait décidé d’axer son cours d’art sur le chardon, en s’inspirant d’un enseignement du XIXe siècle qui aurait intégré les caractéristiques physiques du chardon et ses propriétés médicinales. Elle a fait ses propres recherches et est arrivée sur le plateau pour enseigner, mais nous n’avons rien su de sa leçon ! De même, dans les scènes avec Junko [Bailey] et Johanna [Phillips] (qui jouent madame Okazaki et Masa), nous voulions un sentiment d’intimité maternelle entre une mère de la diaspora et sa fille. Dans chaque cas, nous avons longuement discuté des conditions historiques des périodes concernées, des liens personnels des actrices et acteurs avec leurs sujets historiques et du type d’atmosphère que nous souhaitions instaurer. Puis, nous leur avons donné carte blanche.
Rien n’était scénarisé, pas même la reconstitution historique étonnante et magnifique des femmes métisses à la table de la salle à manger ! Nous les avons habillées de vêtements d’époque — créés avec le plus grand soin après avoir consulté l’Institut Louis-Riel et grâce à notre talentueuse costumière, Tammy Joe. Nous leur avons demandé de se parler à cœur ouvert pendant que nous quittions la pièce. Dans une démarche intime et profonde, toutes les femmes métisses présentes se sont rapprochées autour de leur héritage commun et des chemins rocailleux et accidentés que chacune d’entre elles avait empruntés. Soudain, elles se sont glissées dans une scène improvisée du milieu du XIXe siècle. Elles se consultaient en secret pour ouvrir le premier hôpital de Winnipeg et incarnaient les femmes « dures à cuire » qu’elles savaient que leurs grands-mères avaient été. Devant les moniteurs, Chase et moi étions absolument stupéfaits…
J’aime à dire que le film est une expérience d’intimité, une façon de se lier d’amitié avec nos ancêtres au fil du temps et de se rapprocher malgré les différences. J’ai souvent ressenti la « réalisation » comme des portes qui s’ouvraient, un espace où les communautés pouvaient incarner des parties vitales de leur histoire.
En ce qui concerne la maison elle-même, dans quelles sources d’inspiration avez-vous puisé, sur les plans esthétique et cinématographique, pour lui donner vie, en faire la plaque tournante de toutes ces histoires ? Est-ce que ce sont d’autres documentaires, films ou œuvres d’art, ou est-ce la vision, les origines de l’équipe ? À quelles limitations physiques, à quels obstacles vous êtes-vous heurtés lors du tournage ?
CJ : Parmi les films que nous avons regardés très tôt pour réfléchir au traitement de la maison, il y a 306 Hollywood, où Elan et Jonathan Bogarín explorent la maison de leur grand-mère décédée comme une archive sauvage et merveilleuse. Puis, l’époustouflant long métrage narratif de Joe Talbot et Jimmie Fails, The Last Black Man in San Francisco, où les histoires de familles racisées et l’architecture s’entrelacent étroitement. Pour l’approche de son père âgé, nous avons aussi adoré la tendresse et l’innovation de Dick Johnson Is Dead, de Kirsten Johnson.
JS : Nous avons vraiment eu du mal à relever le défi formel que nous nous étions imposé : rester dans un seul endroit pendant toute la durée du documentaire. Nous voulions voir combien d’histoires rejetées, écartées, nous allions découvrir à l’intérieur et autour d’une seule maison. Cette démarche rend la question de la claustrophobie visuelle très réelle ! Nous avons fait preuve de stratégie et avons utilisé des portails et des passages pour créer de l’espace ; nous avons tourné une grande partie du film en extérieur et employé une « caméra fantôme » pour filmer du point de vue d’un esprit errant, ce que Chris Romeike, notre formidable directeur de la photographie, a su exprimer parfaitement.
Pour moi, transformer la maison de mon enfance en un espace artistique, un espace commun, un espace d’émerveillement historique et de liens, c’était magique. Je ne verrai ni ne ressentirai plus jamais la maison de la même manière. « Rentrer à la maison » n’aura plus jamais le même sens pour moi.
Communautés collaboratrices
La Fédération des Métis du Manitoba est le gouvernement national démocratiquement élu des Métis de la rivière Rouge, également connus sous le nom de Métis du Manitoba. La Nation des Métis de la rivière Rouge est un peuple autochtone distinct, qui a ses propres lois et son propre système de gouvernement démocratique, grâce auxquels il est devenu un partenaire de négociation du Canada au sein de la Confédération et l’un des peuples fondateurs de la province du Manitoba.
L’École pour les sourds du Manitoba propose un enseignement bilingue biculturel et bilingue bimodal de la maternelle à la 12e année. L’École est la pierre angulaire de la reconnaissance, de l’acceptation et de la promotion de la culture sourde au Manitoba. Elle met l’accent sur le rôle vital de l’éducation dans l’aide aux enfants sourds.
L’Association culturelle japonaise du Manitoba est un organisme de bienfaisance à but non lucratif qui représente les Canadiennes et Canadiens d’origine japonaise au Manitoba. Sa mission consiste à informer la communauté sur l’art, la musique, la culture, la langue, le patrimoine et l’histoire de la communauté japonaise et des Canadiens et Canadiennes d’origine japonaise.
Affiche
Extraits
Images
Images
Équipe
Générique
RÉALISATION
Chase Joynt et Julietta Singh
SCÉNARIO
Julietta Singh et Chase Joynt
CONJOINTEMENT AVEC
la Fédération Métisse du Manitoba
l’École pour les sourds du Manitoba
et l’Association culturelle japonaise du Manitoba
PRODUCTION
Alicia Smith
Justine Pimlott
PRODUCTION EXÉCUTIVE
Chanda Chevannes
David Christensen
DISTRIBUTION
Katherena Vermette dans le rôle d’Annie Bannatyne
Joanna Hawkins dans le rôle de Mary Ettie McDermid
Junko Bailey dans le rôle de Mme Okazaki
Johanna Phillips dans le rôle de Masa Okazaki
AVEC
Christine Common
ET
Isadora Singh
AUTRES INTERPRÈTES
Katherena Vermette
Tamara Macpherson Vukusic
Kathryn Patenaude
Sierra Hill
Joanna Hawkins
Marden Klepka
Deidre Hase
Sarah Rabu
Keiko Miki
Yayoi Brandt
Élèves et percussionnistes de taiko
Aiden Coupland
Leane Dinglasan
Lyka Dinglasan
Milkala Flett
Xandria Griffiths
Nathaniel Legaspi
Ava May
Mikyas Rezene
Petits-enfants d’Annie
Benjamin Boulette
Ruby Daawnis Boulette
Cérémonie du thé japonaise
Yuriko Mukumoto
Emi Furutani
DIRECTION PHOTO
Chris Romeike
MONTAGE
Pauline Decroix
MUSIQUE ORIGINALE
Justin Delorme
CONCEPTION SONORE
Andy Rudolph
CONCEPTION DE LA PRODUCTION
Chad Giesbrecht
CONCEPTION DES COSTUMES
Tammy Joe
NARRATION
Julietta Singh
Conseil, communautés
Yuhito Adachi
Junko Bailey
Joanna Hawkins
Art Miki
Jonathan Miller
Pam Okano
Sarah Rabu
Katherena Vermette
Tamara Vukusic
Conseil, ASL et sous-titrage
Shannon Graham
Joanna Hawkins
Marden Klepka
Sarah Rabu
Production déléguée
Andrew Martin-Smith
Mark Wilson
Coordination principale de la production
Melissa Paduada
Supervision de la production
Marcus Matyas
April Dunsmore
Coordination de la production
Lee Clapp
Brooke Fishwick
Calvin Serutoke
Gestion des opérations du studio
Devon Supeene
Mark Wilson
Administration du studio
Andrew Martin-Smith
Devon Supeene
Adrianna Marling
Conseil juridique
Christian Pitchen
Technicien de studio
Q’Mal Labad-Workman
Coordination du studio
Victoria Anderson-Gardner
Calvin Serutoke
Direction de la production
Boeseya Petra
Première assistante à la réalisation
Rosalee Yagihara
Deuxième assistante à la réalisation
Jasmin Chong
Enregistrement sonore
John Hildebrand
Premiers assistants à la caméra
Tony Truong
Ash Tailor
Deuxième assistant à la caméra
Marco Pe
Technicien en imagerie numérique
Astor Fenoglio
Chef électricien de plateau
João Holowka
Machinistes en chef
Lorne Bailey
Bruce Claydon
Décors
Rachel Kendall
Robb Paraskevopoulos
Accessoiriste en chef
Olivia Medeiros
Coiffure et maquillage
Brie Tait
Assistance à la coiffure et au maquillage
Brenda Johnson
Karen Krabbenhoft
Costumes
Cassandra Guevara-Clark
Sook Hyun Kim
Assistance aux costumes
Ann Park Peters
Michelle Boulet
Habillage, kimonos
Alison Adachi
Stylisme, kimonos
Kumiko Lucy Yamashita
Couture
Bernarda Antony
Ariel Hansen
Kitty Yu-Chu Huang
Perlage, artiste métisse
Amy McPherson
Perlage métis original, avec l’aimable autorisation de
Jennine Krauchi
Conseil, cérémonie du thé
Yuhito Adachi
Sachiko Ohno
Spécialiste de l’ikebana
Debbie Tsuyuki
Conseil, imprimerie
Sean Mclachlan
Photogravure typographique
Printmonger Press
Œuvres de Jackson Beardy
Avec l’aimable autorisation de Paula Beardy
et le consentement de Byron Beardy et de Lorraine Flett
Musique de danse de Masa
シャロックNO.1(Sharock No.1)
(Kazumi Yasui, Nii Yifang)
© Watanabe Music Publishing Co., Ltd.
℗ Victor Records, 1968
Chanson d’entraînement au taiko
Tobu! de Hinode Taiko Inc.
Enseignement du tambour taiko
Deidre Hase
Marden Klepka
Entraînement au tambour taiko
James Coleman
Michaela McKennitt
Margaret McKenty
Tambours taiko gracieusement fournis par
Hinode Taiko Inc.
Interprétation ASL
Shannon Graham
Landon Cormack
Agence d’interprétation ECCOE
Cindy Boscow
Rachel Braul
Mandy MacDonald
Tessa Rogowski
Brittany Toews
Assistance à la production
David Chenier
Adriana King
Colten Matousek
Marco Pe
Perche
Dallas Pomedli
Prise de son additionnelle
Toby Zheng
Coordination des lieux de tournage
Neal Baksh
Chauffeuse
Brandee Froese
Premiers soins et cantine
Amy Walker
Service de drones
Drone Manitoba
Pilotage de drone
Ryan Cheale
Photographie de plateau
Steve Ackerman
Service traiteur
Lewis Kitchen
Coordination de la sécurité
Brent Yorke
Agents de sécurité
Douglas Monkman
Joseph Myles
Eyassu Tadesse
Montage en ligne
Serge Verreault
Effets visuels
Alain Ostiguy
Mixage
Isabelle Lussier
Montage du bruitage et des effets sonores
Kelsey Braun
Montage sonore
Lucas Prokaziuk
Andy Rudolph
Coordination technique
Luc Binette
Kevin Riley
Lyne Lapointe
Assistance au montage
Meraj Badiuzzaman
Verona Choi
Phillip Hawkes
Interprétation musicale
Julie Penner
Natanielle Felicitas
Jason Tait
Enregistrement de la narration
Cole Roberts
Spacebomb Studio, Richmond VA
Graphisme et titres
Dylan Haley
Transcription
Pat Garry
Mina Christine Yoon
Sous-titrage
Power of Babel
Conseil principal, mise en marché
Jamie Hammond
Coordination de la mise en marché
Jolène Lessard
Relations de presse
Jennifer Mair
Recherche d’archives
Emma Brunet
Tanya Fleet
Nancy Marcotte
Katherine Milazzo
Recherche architecturale
Giovanni Geremia
Christine Common
Documents d’archives utilisés avec l’autorisation de
CBC Archive Sales
CBC Licensing, Muddied Water Podcast
les Archives de la Ville de Vancouver, AM1584:CVA 7-122
les Archives de la Ville de Vancouver, AM1584:CVA 7-129, Luke Quiney
l’Association culturelle japonaise du Manitoba
Bibliothèque et Archives Canada
Documents d’archives utilisés avec l’autorisation de
la Bibliothèque du Congrès, Preservation of the Sign Language, par George W. Veditz
l’École pour les sourds du Manitoba
l’Office national du film du Canada
Julietta Singh
la Vancouver Public Library, Collections spéciales, Leonard Frank
Tamara Vukusic
le Winnipeg Free Press
Remerciements particuliers
Nathan Snaza
Renate Singh
Rob Singh
Remerciements
Stephen Andrews
Sandy Barron
Byron Beardy
James Bowe
David Common
Sam Creely
Samantha Curley
Naisargi Davé
Shirley Delorme Russell
Natalie Diaz
Sherry Farrell-Racette
Lorraine Flett
Richard Fung
Olivia Michiko Gagnon
Rachel Giese
John Greyson
Ricki Hall
Ariana Hawkins
Mary Horodyski
Kajri Jain
Sarah Joynt-Bowe
Julia Lafreniere
Anita Lee
Jordan Lord
Yoshiko Matsubara
Shoshanah Moos
Tom Moos
Wanda Nanibush
Brittany Nelson
Lydia Nitya Griffith
Janet Okabe
Sharon Parenteau
Julie Penner
Sarah Ramsden
Linda Reid
Rajni Shah
Meera Singh
Jordan Stanger-Ross
Christine Sun Kim
Leslie Supnet
Miriam Toews
Jean-Thomas Tremblay
Caelum Vatnsdal
Shirley Vercruysse
La classe de 5e année de Mme Susannah Meyer, école Waldorf
Accurate Fire & Safety Ltd
Shelly Anthis, agente de liaison cinéma, Ville de Winnipeg
Archives du Manitoba
ARRI Canada
B-Camera
Blue Box Digital Media
Kenny Boyce, directeur, cinéma et événements spéciaux, Ville de Winnipeg
Center for Imagination in the Borderlands, ASU
Consulat général du Japon, bureau de Calgary
Musée Dalnavert
Flatlands
Frank Digital
Grande Camera
Remerciements
IDC Communications
Level Ground Productions
L&G Lens Rentals
Institut Louis Riel
Bibliothèque de l’Assemblée législative du Manitoba
Archives de l’Université du Manitoba
Université de Richmond
Université de Victoria
Université Western Ontario
William F. White
Tourné en extérieur à Winnipeg (Canada), sur les terres ancestrales des Anishinaabe, des Cris, des Oji-Cris, des Dakota et des Dénés, et sur la terre natale de la Nation métisse.
Une production de l’Office national du film du Canada
Relations de presse
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Justine Baillargeon
Attachée de presse – Montreal
j.baillargeon@onf.ca
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L’ONF en bref
Fondé en 1939 et unique en son genre, l’Office national du film du Canada (ONF) produit, coproduit et distribue des documentaires et des films d’animation distinctifs, engageants, pertinents et innovants. Incubateur de talents, il est un des plus grands laboratoires de création au monde. Depuis plus de huit décennies, l’ONF permet aux Canadiennes et aux Canadiens de se raconter et de se rencontrer. Ses films sont de plus une ressource éducative fiable et accessible. L’ONF possède également une expertise reconnue mondialement en préservation et en conservation, en plus d’une riche collection vivante d’œuvres qui constituent un pilier important du patrimoine culturel du Canada. Jusqu’à maintenant, l’ONF a produit plus de 14 000 œuvres, dont 6500 sont accessibles gratuitement en ligne sur onf.ca. L’ONF ainsi que ses productions et coproductions ont remporté au-delà de 7000 prix, dont 11 Oscars et un Oscar honorifique récompensant l’excellence de l’organisation dans toutes les sphères de la cinématographie.