La route de la liberté
2019 | 5 courts métrages documentaires
Sélections et prix
Sélection officielle (FREEDOM ROAD: YOUTH / OSHKAADIZIIG)imagineNATIVE Film + Media Arts Festival , Toronto, Canada (2019)
Une série documentaire en cinq épisodes de Shoal Lake 40
La série documentaire en cinq épisodes La route de la liberté relate la passionnante histoire de la Première Nation anichinabée de Shoal Lake 40 et du combat qu’elle a livré pour bâtir une route. Il y a plus de 100 ans, cette communauté s’est trouvée forcée de déménager et coupée du continent afin de faciliter l’approvisionnement en eau de la ville de Winnipeg. Angelina McLeod, réalisatrice de la série et membre de la communauté de Shoal Lake 40, recourt ici à une approche du récit innovatrice et axée sur la communauté qui met en lumière la dignité, la force et la persévérance de cette population. Dans la foulée de la construction de la « route de la liberté », celle-ci reprendra possession de son histoire et de son avenir.
Synopsis long de la série La route de la liberté
La série documentaire en cinq épisodes La route de la liberté relate la passionnante histoire du combat livré par une Première Nation pour mettre fin à l’impitoyable héritage colonial qui a provoqué le déracinement d’une communauté autonome et l’a transformée en une île isolée, pourtant toute proche de la Transcanadienne.
Pendant plus de 100 ans, la Première Nation anichinabée de Shoal Lake 40 a dû contourner un aqueduc de 150 kilomètres pour se rendre à Winnipeg. La décision des planificateurs municipaux de faire dévier cette source d’alimentation en eau a obligé la communauté à déménager : elle s’est alors trouvée coupée du monde, privée d’accès routier et tenue d’effectuer une périlleuse traversée en barge ou sur la glace pour obtenir des services et des produits de base.
Pire encore, la communauté a bien l’eau courante, mais elle est soumise à un avis de faire bouillir l’eau depuis 22 ans. Cet accès coûteux et aléatoire est d’ailleurs l’ironie du sort, l’île baignant dans une étendue d’eau jadis fraîche et cristalline qu’on avait protégée durant des milliers d’années.
La route de la liberté témoigne du quotidien précaire des habitants de Shoal Lake 40, devenu leur mode de vie, et des efforts que plusieurs générations ont déployés pour bâtir une route qui les relierait de nouveau au monde. Réalisée par Angelina McLeod, elle-même membre de la communauté, la série adopte un point de vue innovateur largement inspiré des cercles de gouvernance des hommes, des femmes, des jeunes et des aînés : chacun y présente sa vision personnelle de la vie avant et après la construction de la « route de la liberté ». Cette approche axée sur la communauté permet de capter la dignité, la force et la persévérance de la population anichinabée de Shoal Lake 40. Après avoir entendu les médias de l’extérieur raconter son histoire pendant des décennies, celle-ci a su en reprendre possession et, ce faisant, se réapproprier son avenir au profit des générations futures.
1) LA ROUTE DE LA LIBERTÉ - CONTEXTE (Synopsis)
L’histoire commence il y a plus d’un siècle, lorsque la Ville de Winnipeg décrète que l’étendue d’eau entourant le territoire traditionnel anichinabé, aujourd’hui celui de la Première Nation de Shoal Lake 40, sera déviée et utilisée comme principale source d’eau potable de Winnipeg. La communauté, ses lieux de sépulture ancestraux, son environnement et son mode de vie se trouvent à jamais perturbés, et l’accès aux possibilités et aux services essentiels lui est désormais fermé. La question des pensionnats obligatoires et les problèmes d’eau contaminée viennent encore aggraver les désastreuses conséquences de cette mesure. Le dirigeant de la communauté et ancien sapeur de combat Daryl Redsky fait la lumière sur la façon dont les générations successives ont contribué à la planification complexe, à la préservation du patrimoine culturel et à la mobilisation qui ont mené au moment présent et à la construction de la « route de la liberté ».
2) LA ROUTE DE LA LIBERTÉ - LES HOMMES / ININIWAG (Synopsis)
Pendant les préparatifs de leur pow-wow annuel, les hommes de Shoal Lake 40 racontent l’histoire de la vie dans la communauté selon leur perspective. Lorne Redsky s’emploie à faire fonctionner la station de pompage désuète : l’argent manque pour réparer les systèmes de base et il faut se servir quotidiennement de l’eau embouteillée. Alors que Lorne concentre son énergie sur la tâche monumentale qui consiste à acheminer de l’eau propre jusqu’au lieu du pow-wow, un membre de la communauté du nom de Kavin Redsky prépare sa tenue cérémonielle en vue de la danse, une démarche très personnelle liée à son parcours de guérison. Les deux hommes incarnent ces inestimables richesses que sont la communauté, la culture traditionnelle et la médecine, des cadeaux grâce auxquels la population de Shoal Lake 40 a pu trouver la résilience nécessaire pour continuer le combat pour la « route de la liberté ».
3) LA ROUTE DE LA LIBERTÉ : LES FEMMES / IKWEWAG (Synopsis)
Crédit de photo : Alicia Smith
Les femmes de Shoal Lake 40 parlent des combats qu’elles-mêmes, ainsi que leurs parents et leurs grands-parents, ont menés pour essayer d’élever leur famille malgré cette situation risquée d’isolement forcé. Dans la communauté, chacun a une histoire déchirante à raconter au sujet d’un proche qui a vu la glace se rompre sous ses pas alors qu’il essayait de traverser le lac, de femmes enceintes et de jeunes mères craignant pour leur bébé, mais n’ayant d’autre choix que de braver ces dangereuses conditions. Le film nous apprend le rôle essentiel qu’ont joué les femmes de la communauté en sollicitant du financement pour la route auprès des trois ordres de gouvernement. Il nous montre que le fait d’avoir renoué avec leur culture et leurs rituels leur a insufflé la force d’aller de l’avant.
4) LA ROUTE DE LA LIBERTÉ : LES JEUNES / OSHKAADIZIIG (Synopsis)
Les jeunes de Shoal Lake 40 racontent ce que signifie pour eux le fait d’être forcés de quitter une famille et une communauté très unies pour faire leurs études secondaires à Kenora, en Ontario. Comme l’école de la communauté n’assure la scolarité que jusqu’à la huitième année, aucune autre solution ne s’offre aux adolescents qui souhaitent poursuivre leurs études. Certains jeunes hommes peuvent travailler à la construction de la route, une rare occasion d’occuper un bon emploi au sein de la communauté : leur fierté est palpable, et ils expriment la satisfaction que leur procure cette possibilité d’assurer la sécurité de leurs aînés et d’offrir des débouchés aux générations futures. La construction de la « route de la liberté » suscite chez les jeunes beaucoup d’optimisme, malgré le racisme systémique et personnel dont ils ont déjà été victimes. Ce projet leur donne de l’espoir quant à l’avenir de leur communauté et à leur propre capacité d’y contribuer.
Crédit du photo: Alicia Smith
5) LA ROUTE DE LA LIBERTÉ: LES AINES / GITCHI-AYA'AAG (Synopsis)
Les aînés de Shoal Lake 40 organisent une fête dans le cadre de leurs récoltes automnales. C’est pour eux l’occasion de partager leur savoir traditionnel et leurs enseignements avec les membres de la communauté. En préparant la banik, le poisson et la viande, ils racontent non sans douleur les expériences traumatisantes de leur enfance, par exemple le fait d’avoir eu à se cacher pour échapper au pensionnat. Ils se rappellent aussi ceux qui ont risqué leur vie ou qui ont péri en tentant de traverser la surface gelée du lac. Lorsqu’ils évoquent la responsabilité qui leur revient de veiller sur les membres de la communauté et de transmettre leurs connaissances à la génération suivante, les aînés mettent en lumière la résistance et la force soutenues qui animent cette population.
Photo du production.
Entretien avec Angelina McLeod
1. Parlez-nous un peu de vous et de vos origines.
Je suis née et j’ai grandi dans la petite communauté anichinabée ontarienne de Shoal Lake 40, qui chevauche en fait l’Ontario et le Manitoba. Ma famille était très portée sur la culture et les traditions : mes parents chassaient, pêchaient, cueillaient des petits fruits, récoltaient du riz sauvage et pratiquaient les médecines traditionnelles. Ils savaient vivre de la terre, dirigeaient les cérémonies Midewiwin ou y participaient, et m’y emmenaient. Cela m’a permis de mieux comprendre l’importance de faire renaître la culture, la langue, les cérémonies et le mode de vie traditionnel des Anichinabés.
J’ai quatre enfants, deux filles et deux garçons, et je serai bientôt grand-mère (kookum). Je suis étudiante à la maîtrise en études autochtones à l’Université du Manitoba et assistante à l’enseignement de la langue ojibwée. Dans tout ce que je fais — que ce soit à titre de cinéaste, de conférencière, d’auteure, de sujet de film documentaire ou d’artiste —, je défends ardemment la terre et l’eau et je me bats pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones.
2. Que signifiait pour vous le fait de grandir à Shoal Lake 40 ?
Grandir à Shoal Lake 40 était un combat. J’ai grandi sans eau courante, avec mes quatre frères et sœurs et mes parents dans une petite maison de deux chambres à coucher. Nous avions des toilettes extérieures et nous prenions notre bain dans une cuve de métal. L’été, nous nous lavions simplement au quai, en bas de la colline, près de la maison au bord du lac.
C’était chouette, quand j’étais petite, d’aller me baigner au lac avec la famille à nos plages préférées. Et j’ai aimé grandir avec tous mes amis : l’été, nous nous baignions presque tous les jours, jouions à différents jeux, faisions de la bicyclette. L’hiver, j’adorais patiner, faire de la motoneige et glisser avec mes camarades. Ce sont les moments les plus mémorables et les meilleurs de ma vie. Traverser la surface de glace durant la période de la débâcle ou de la prise des glaces me faisait toujours peur. Une fois, la glace a cédé sous mes pas, mais je suis arrivée à me sortir de là indemne. L’une des pires épreuves était toutefois de devoir quitter la maison au moment du secondaire. Il n’y a pas d’école secondaire à Shoal Lake 40. J’ai dû partir pour faire ma neuvième année et loger dans une pension à Kenora, en Ontario. Pour habiter avec des étrangers, j’ai dû m’habituer à vivre dans un monde colonisé rempli de racisme et avec des gens qui ne comprenaient pas ce que cela signifiait que d’être une personne autochtone dans ce pays. J’ai aussi perdu ma sœur lorsqu’elle est partie faire son secondaire à Kenora et qu’elle a habité dans une pension. Elle a été portée disparue, puis on l’a trouvée morte. Je ne sais toujours pas ce qui lui est arrivé et je ne le saurai probablement jamais.
3. Qu’est-ce qui vous a amenée à réaliser cette série ?
J’ai entendu dire que l’ONF cherchait quelqu’un qui habitait Winnipeg afin d’agir comme agent de liaison pour une série de films qui en arrivait à l’étape de la production. Après un café en compagnie de la productrice Alicia Smith, nous avons discuté de mon expérience en cinéma, et en deux temps trois mouvements, je me suis retrouvée à travailler à la réalisation de la série de courts métrages de La route de la liberté.
4. Le processus de création de La route de la liberté repose sur la participation de la communauté. Compte tenu de cette façon de procéder, comment avez-vous travaillé pour élaborer et créer la série ?
Pour la série La route de la liberté, je me suis servie des méthodes de recherche autochtones en veillant à ce que les membres de la communauté soient respectés et les protocoles culturels, correctement suivis. Je me suis constamment tenue au fait de ce qui se passait à l’intérieur de la communauté pendant la réalisation des films : cela m’a également permis de renouer avec ma famille et mes amis. La communauté avait confiance en moi et je me suis assurée que cette confiance et ce respect mutuel ne se démentaient pas. J’ai utilisé les combats que j’ai moi-même menés avec ma famille et ce dont j’avais été témoin plus jeune pour créer la série et montrer au monde ce qui devait être vu.
5. Qu’avez-vous appris durant le tournage de la série ?
J’ai appris que les membres de la communauté étaient remplis d’empathie et qu’il existait une grande proximité non seulement entre les personnes, mais entre les familles. Que nous avons tous subi des épreuves et qu’il s’agissait d’un bon moyen de communiquer nos histoires, de guérir et d’aller de l’avant.
6. Qu’aimeriez-vous surtout que les gens ressentent ou comprennent en entendant l’histoire de Shoal Lake 40 ?
[Je veux que les gens] comprennent les difficultés de toutes les communautés autochtones sur l’ensemble du territoire de l’Île de la Tortue. Pour ce qui est de Shoal Lake 40, je veux qu’ils reconnaissent les souffrances qu’ont vécues les communautés autochtones à l’autre bout de la canalisation. Alors que les Winnipégois en profitent en buvant de l’eau propre, les gens de Shoal Lake 40 sont soumis à un avis d’ébullition de l’eau depuis maintenant 22 ans et sont forcés de remplir des contenants d’eau et de rationner l’eau embouteillée.
7. Que s’est-il passé dans la communauté depuis la fin du tournage ?
J’ai entendu dire qu’on allait construire une école et que des ingénieurs se penchaient sur les plans d’une usine de traitement de l’eau et d’épuration des eaux d’égout. Il est aussi question de l’ouverture d’un musée.
EXTRAITS
Matériel promotionnel
Images
Chronologie : La route de la liberté
1873 : Les Premières Nations anichinabées, dont celle de Shoal Lake 40, et le Canada signent le Traité no 3 à l’Angle nord-ouest.
1874 : Constitution de la Ville de Winnipeg.
1875 : On délimite les terres de la réserve Shoal Lake.
1880 : L’administration municipale de Winnipeg accorde à la Winnipeg Water Works, une entreprise privée, un permis de 20 ans pour l’approvisionnement de la ville en eau potable.
1899 : Le gouvernement municipal de Winnipeg met un terme à sa relation d’affaires avec la Winnipeg Water Works.
1900 : Winnipeg commence à utiliser des puits artésiens pour approvisionner la ville en eau.
1901-1902 : La Women’s Foreign Missionary Society de l’Église presbytérienne ouvre le pensionnat Cecilia Jeffrey à l’est de la réserve Shoal Lake 40.
1904-1905 : Winnipeg signale 1276 cas de typhoïde sur une population de 67 300 habitants.
1906 : Le Manitoba met sur pied une commission d’approvisionnement en eau dont le mandat est de trouver une nouvelle source d’alimentation en eau pour Winnipeg.
1906 : Constitution du District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg (Greater Winnipeg Water District), lequel est composé de Winnipeg, des municipalités suburbaines et rurales de Saint-Boniface, Transcona et Saint-Vital, et d’une partie des quartiers de Fort Garry, Assiniboia et Kildonan.
1911 : La Loi sur les Indiens de 1876 est révisée pour permettre au gouvernement de s’approprier plus facilement les terres des réserves pour des ouvrages d’utilité publique.
1913 : Thomas Russ Deacon est élu maire de Winnipeg grâce à un programme électoral articulé autour de « l’eau du lac Shoal ».
1913 : La population de Shoal Lake 40 se chiffre à 83 habitants résidant dans des maisons de rondins « de bonne construction ».
1913 : Le District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg entreprend les travaux préliminaires en vue de la construction d’un aqueduc sur les terres de la réserve Shoal Lake 40.
1913 : Les gouvernements fédéral et ontarien approuvent la demande du District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg visant à dériver l’eau du lac Shoal vers Winnipeg.
1914 : Le ministère des Affaires indiennes met en œuvre un processus de cession au terme duquel Shoal Lake 40 perd ses droits sur le sable et le gravier des terres de la réserve.
1914 : Le Canada a recours à l’article 46 de la Loi sur les Indiens pour imposer unilatéralement la vente d’environ 3000 acres de terres de la réserve Shoal Lake 40 pour 1500 $ au District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg afin que celui-ci puisse construire la prise d’eau de l’aqueduc et exécuter les travaux de génie civil connexes.
1914 : La Commission mixte internationale, créée en 1909 pour gérer les eaux limitrophes du Canada et des États-Unis, approuve la demande de Winnipeg visant à dériver l’eau du lac Shoal vers Winnipeg à des fins « sanitaires et domestiques ».
1914 : Le District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg entreprend la construction de l’aqueduc du lac Shoal, lequel comprend une digue en terre et un canal qui séparent la réserve Shoal Lake 40 en trois sections. La majeure partie de la communauté se réinstalle dans l’une de celles-ci.
1918 : Vingt-deux campements sont établis le long du tracé de l’aqueduc pour accueillir les ouvriers qui travaillent à sa construction.
1918 : Le chef de la Première Nation de Shoal Lake 40 Pete Redsky proteste contre la perte des terres de la réserve.
1919 : Au terme d’un nouveau processus de cession, d’autres terres de la réserve Shoal Lake 40 sont transférées au District de distribution d’eau de la conurbation de Winnipeg.
1919 : L’eau du lac Shoal coule des robinets de Winnipeg.
1929 : Le pensionnat Cecilia Jeffrey établi au lac Shoal déménage près de Kenora, en Ontario.
1932 : On inaugure le premier tronçon de la route transcanadienne entre Winnipeg et Thunder Bay.
1937 : Le chef de la Première Nation de Shoal Lake 40 Pete Redsky demande que la question de la perte des terres de la réserve et du paiement soit examinée.
1977 : Fin du trafic voyageur entre le lac Shoal et Winnipeg sur la ligne du Greater Winnipeg Water District Railway.
1983 : Avec l’accord du Manitoba, l’Ontario ferme la pêche commerciale et récréative au doré jaune dans la zone de pêche de Shoal Lake 40.
1983 : Fin du service d’excursion offert entre Winnipeg et le lac Shoal sur la ligne du Greater Winnipeg Water District Railway.
1989 : Shoal Lake 40, la Ville de Winnipeg et la province du Manitoba concluent l’accord tripartite du lac Shoal.
1990 : La Ville de Winnipeg bloque les propositions de Shoal Lake 40 visant l’aménagement de lotissements pour chalets.
1997 : À la suite de la découverte de cryptosporidium dans l’eau potable de la réserve Shoal Lake 40, la communauté est soumise à un avis d’ébullition d’eau.
2007 : Parcourant une distance de 137 kilomètres en trois jours, les membres de la Première Nation de Shoal Lake 40 marchent jusqu’à Winnipeg, où ils réclament la construction d’une « route de la liberté ».
2013 : Shoal Lake 40 organise une réunion de planification stratégique afin de déterminer la meilleure façon de promouvoir une route d’accès à la communauté.
2014 : Le gouvernement fédéral refuse de financer un tronçon de la « route de la liberté » qui relierait la réserve Shoal Lake 40 à la route transcanadienne.
2014 : La Première Nation de Shoal Lake 40 ouvre son propre Musée des violations des droits de la personne à l’extérieur du Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg. Ce musée des violations est par la suite déplacé à la réserve Shoal Lake 40.
2015 : Des milliers de Winnipégois participent à une marche pour réclamer la construction d’une route d’accès et de l’eau potable salubre et propre pour la communauté de Shoal Lake 40.
2015 : Création de Churches for Freedom Road.
2015 : Le Canada, le Manitoba et la Ville de Winnipeg réaffirment leur engagement à financer la construction d’une route d’accès praticable en tout temps pour relier la réserve Shoal Lake 40 à la terre ferme.
2018 : La « route de la liberté » rejoint la Transcanadienne.
2019 : Ouverture de la « route de la liberté », qui relie la réserve Shoal Lake 40 à la route transcanadienne et met ainsi fin à 100 ans d’isolement causé par l’activité humaine.
Survol historique : la Première Nation de Shoal Lake 40, Winnipeg et l’eau
La patrie historique de la communauté anichinabée ou ojibwée de la Première Nation de Shoal Lake 40 (Kekekoziibii) se situe dans la zone occidentale du bassin hydrographique du lac des Bois, qui marque aujourd’hui la frontière entre l’Ontario et le Manitoba. Ce secteur doté d’abondantes ressources était autrefois relié au territoire, et ses habitants se nourrissaient des produits de la pêche, de la chasse, de l’agriculture, ainsi que de la récolte du manoomin ou riz sauvage.
À la fin du 18e siècle, les commerçants de fourrures européens commencent à arriver dans la région. Un siècle plus tard, les dirigeants anichinabés et le Canada négocient le Traité no 3, signé en 1873. Les terres de réserve, y compris celles de Shoal Lake 40, sont délimitées selon ce traité. Au cours des premières années du 20e siècle, un pensionnat administré par l’Église presbytérienne ouvre ses portes à proximité de la réserve de Shoal Lake 40.
Durant cette même période, la ville de Winnipeg connaît une croissance spectaculaire. Cette poussée démographique vient exercer une pression supplémentaire sur un approvisionnement en eau depuis toujours insuffisant. En 1913, Winnipeg élit un maire qui s’est engagé à résoudre le problème d’alimentation en eau grâce à la construction d’un aqueduc qui transportera l’eau du lac Shoal à Winnipeg.
Les terres de la réserve de Shoal Lake 40 sont essentielles à la réalisation du projet d’aqueduc de Winnipeg. La Ville amorce les travaux en 1913, et Shoal Lake 40 ne tarde pas à perdre ses droits sur une partie importante de ses terres et de ses ressources. Au début de 1914, la Première Nation perd son droit de disposer du sable et du gravier sur le territoire de la réserve. Plus tard, cette année-là, le gouvernement fédéral invoque l’article 46 de la Loi sur les Indiens, lequel lui permet de prendre les terres de réserves jugées nécessaires « pour cause d’utilité publique ». Shoal Lake 40 perd alors plus de 3000 acres pour les besoins de la prise d’eau de l’aqueduc et l’ouvrage de génie civil connexe. La construction d’une digue et d’un canal destinés à séparer les « boues » des eaux circulant vers la ville a pour effet de couper la réserve en trois segments, et la communauté elle-même se replie sur l’un d’eux.
En 1919, l’eau du lac Shoal coule dans les robinets de Winnipeg. Au cours du siècle qui suit, forte d’une alimentation en eau plus que suffisante, sûre et relativement bon marché, la ville continue de se développer et de saluer le génie et l’efficacité de l’aqueduc grâce auquel elle obtient cet excellent service.
Le tableau est toutefois plus sombre du côté de Shoal Lake 40. Durant la décennie 1980, la communauté perd l’accès à la pêche commerciale au doré jaune, et la Ville de Winnipeg réussit à l’empêcher d’aménager des lotissements pour chalets. La convention tripartite conclue entre la Première Nation de Shoal Lake 40, la Ville de Winnipeg et la province du Manitoba en 1989 n’engendre que peu de résultats concrets pour la Première Nation.
En 1997, Shoal Lake 40 doit se conformer à un avis d’ébullition de l’eau qui demeurera en vigueur durant 22 ans. En l’absence de tout accès routier, il est difficile de construire une usine de traitement de l’eau et plus difficile encore de l’entretenir. L’hiver, la population effectue la traversée vers Winnipeg à pied ou en voiture sur la glace. L’été, elle utilise Amik II, une barge coûteuse et peu fiable. Durant la période des embâcles printaniers et de la prise des glaces automnale, les membres de la communauté se hasardent sur la glace mince ou les eaux traîtresses, un périple ardu et risqué.
Les dirigeants de Shoal Lake 40 font depuis longtemps valoir la nécessité de construire une route reliant la communauté à l’ouest pour résoudre les problèmes structurels qui limitent les possibilités de ses habitants et menacent leur santé. En 2007, ils sont nombreux à parcourir à pied les quelque 150 kilomètres séparant Shoal Lake 40 de Winnipeg pour demander qu’une route relie leur territoire à la Transcanadienne.
En 2014, Shoal Lake 40 lance une campagne visant à sensibiliser l’opinion publique aux enjeux particuliers auxquels la communauté doit faire face. Cette dernière ouvre un musée sur le thème de la violation des droits au Canada et y accueille des centaines de visiteurs qui souhaitent se renseigner sur la communauté et sur l’impasse dans laquelle elle se trouve. Des habitants de Winnipeg, autochtones et non autochtones, s’emploient à soutenir les demandes de Shoal Lake 40 : ils participent à la « marche pour l’eau » de 2015, collaborent avec le groupe Churches for Freedom Road, prennent part aux événements organisés par le groupe Friends of Shoal Lake 40, ou assistent aux prises de parole du chef Erwin Redsky.
En 2015, la province du Manitoba, la municipalité de Winnipeg et le gouvernement canadien s’entendent pour assurer le financement de la « route de la liberté ». Achevée en juin 2019, la route de gravier de 24 kilomètres met fin à 100 ans d’isolement d’origine humaine pour Shoal Lake 40. La mise en service de l’usine de traitement de l’eau est prévue pour le début de 2021.
Pendant un siècle entier, Shoal Lake 40 aura subi et surmonté une situation particulièrement difficile et symptomatique du colonialisme canadien. Son histoire en dit long sur les peuples autochtones et sur le Canada actuel. La « route de la liberté » nous rappelle que le Canada a favorisé les communautés de colons aux dépens des communautés autochtones, et nous révèle la créativité et la ténacité dont les peuples des Premières Nations ont fait et font encore preuve pour résister.
Équipe
Générique
Écrit et réalisé par
Angelina McLeod
Productrice
Alicia Smith
Producteur exécutif
David Christensen
Montage
Erika MacPherson
Direction de la photographie
Tyler Funk
Conception sonore
Anita Lubosch
Relations de presse
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Attachée de presse – Vancouver
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L’ONF en bref
L’ONF est le producteur et distributeur public canadien d’œuvres audiovisuelles primées, qu’il s’agisse de documentaires, d’animations d’auteur, de récits interactifs ou d’expériences participatives. Depuis 1968, l’ONF a produit plus de 300 œuvres signées par des cinéastes inuits, métis et des Premières Nations, constituant ainsi une collection sans pareille de films qui bousculent les récits de la culture majoritaire et proposent des perspectives autochtones aux auditoires d’ici et du reste du monde. L’ONF met en œuvre un plan d’action comportant une série d’engagements, notamment consacrer au minimum 15 % des dépenses globales de production aux œuvres réalisées par des artistes autochtones et rendre la collection de films autochtones de l’ONF plus accessible sur ONF.ca.