J’aurai ta peau…
2017 | 15 min 01 s
Technique d'animation : 3D/2D Hybrid
J'aurai ta peau, Coup-de-Coeur Vimeo (Vimeo Staff Pick) est disponible en ligne gratuitement !
Sélections et prix
Sélection officielleFantasia 2017
Sélection officielle panorama canadienFestival international du film d'animation d'Ottawa 2017
Compétition nationale des courts métragesFestival de cinéma de la ville de Québec 2017
Prix du Public, Court (Animation ou Court métrage)Festival international du film de Calgary 2017
Prix du Jury - Meilleur Court AnimationEdmonton International Film Festival 2017
Silver Skull Outstanding Award International Short FilmMorbido Fest 2017 - Mexique
Mention Spéciale - Meilleur Court de 5 à 24 minutesFestival de films International Cinemania 2017 - Espinho, Brésil
Prix Best of Fest et AnimationYorkton Film Festival 2018
Compétition - Court métrageAnima Mundi International Animation Festival 2018
Compétition officielleAnima, festival du film d'animation de Bruxelles - 2018 - Belgique
Compétition officielleFestival international d'animation de Melbourne - 2018 - Australie
Prix spécial de distinction de la catégorie court métrageSICAF Seoul International Cartoon and Animation Film Festival 2018
Synopsis court
Sombre allégorie sur la cupidité et sur la sanction spirituelle qu’elle engendre, J’aurai ta peau… se déroule à l’époque de la traite des fourrures.
En 1823, le gouverneur de la plus importante entreprise de commerce des fourrures au monde parcourt son dominion pour en extraire les richesses toujours plus considérables que lui procure la fructueuse chasse hivernale. Car dans son implacable univers de profits et de pertes, on tue les animaux jusqu’à la limite de l’extinction. Mais un jour, l’équilibre du pouvoir bascule, et les forces de la nature imposent une fort coûteuse sanction.
Saluant au passage Melville et Coleridge, les réalisateurs Carol Beecher et Kevin Kurytnik ont créé un saisissant mythe contemporain sur le prix de l’arrogance et de la cupidité.
Entrevue Kevin D. A. Kurytnik et Carol Beecher
J’aurai ta peau… déboulonne les clichés qui rendent l’histoire du Canada ennuyeuse. Qu’est-ce qui vous a amenés à camper votre récit à cette époque précise — 1823 — et à choisir ce protagoniste particulier ?
Cette période marque l’apogée de la puissance de la Compagnie de la Baie d’Hudson, l’une des plus vieilles entreprises du monde. Son histoire façonne en grande partie celle du Canada, la fondation de notre pays étant étroitement liée aux intérêts de la Compagnie. L’homme qui la dirigeait à cette époque était le gouverneur George Simpson, surnommé « l’empereur du Nord », qui régnait de facto sur toutes les terres que revendiquait la Compagnie au nom du roi d’Angleterre. Mais ce personnage retors — un survivant que l’on décrivait comme un « bâtard par naissance et par conviction » — dirigeait l’entreprise d’une main de fer et lui faisait réaliser des bénéfices faramineux. L’entreprise traitait alors plus d’un demi-million de peaux de castor par année, des milliers de peaux d’autres animaux à fourrure, ainsi que des oiseaux de toutes espèces.
Il y avait également ce lien entre les voyageurs et le canot qui nous est apparu fascinant. Sans eux, le rayonnement de la Compagnie n’aurait pas été aussi grand. Ces types étaient d’une force incroyable ! Pour la plupart d’origine française, autochtone ou métisse, ils étaient les moteurs du commerce de la fourrure. Nous souhaitions aussi présenter une partie de leur histoire et de leur culture, presque en toile de fond de l’histoire de notre gouverneur. Ils formaient ce qu’on appelait la « brigade du printemps » : ils transportaient le gouverneur Simpson de Montréal jusqu’à l’océan Pacifique en une saison printemps-été. Un tour de force extraordinaire ! Cette traversée du pays en canot nous a amenés à explorer le territoire, lequel a eu une influence énorme sur notre histoire. Nous nous sommes intéressés de près à la psychogéographie, la géographie spirituelle non littérale du Canada.
En effectuant nos recherches historiques, toujours dans l’optique de notre intérêt pour le mythe et l’imaginaire, nous avons constaté que le règne de Simpson comme gouverneur rappelait à certains égards le poème de Samuel Taylor Coleridge intitulé La complainte du vieux marin, surtout en ce qui a trait à la brigade du printemps. Il y a là des leçons sur l’environnement à tirer. Le poème porte sur un marin qui tue sans raison un albatros ayant sauvé son navire alors qu’une tempête faisait rage. L’enfer se déchaîne et l’univers du marin bascule. Les forces de la nature l’entraînent dans un périple surnaturel pour l’obliger à comprendre l’importance de l’environnement et le respect qu’il faut lui porter. Il part ensuite enseigner cette leçon à d’autres.
Dans J’aurai ta peau…, vous rassemblez les mythologies de plusieurs cultures en vue de créer une vision imaginaire sombre qui propose un portrait vivant de l’histoire. Pouvez-vous nous parler des éléments sous-jacents qui vous ont inspirés ?
Nous voulions créer un mythe canadien contemporain qui allait au-delà des événements, des noms, des dates et des chiffres, un mythe environnemental qui révélait une réalité plus profonde de notre pays en mettant en relief le pouvoir du monde naturel. La nature conduit l’homme le plus puissant du moment sur un parcours salvateur et le place devant un choix : vivre dans une sorte d’équilibre avec l’univers ou mourir.
Tant en ce qui touche l’aspect visuel que le récit lui-même, nous avons puisé notre inspiration dans les différentes mythologies du monde et découvert les nombreuses similitudes qui existent entre elles quant au symbolisme, aux légendes, aux histoires de magie et de chamanes. Le corbeau, par exemple, est présent dans les mythes des pays nordiques, les mythes celtes d’Écosse, pays d’origine de notre gouverneur, comme bien sûr dans de nombreuses légendes des Premières Nations d’Amérique du Nord.
En nous fondant sur le concept du « voyage du héros » de Joseph Campbell, et en nous inspirant des archétypes jungiens, nous avons conçu cette fable en neuf parties distinctes : chasse, travail, tempête, glace, voyage, démolition, reconstruction, décision et cercle. La transition entre chaque partie s’opère au moyen d’une métamorphose quelconque, et nous avons tenté d’imprimer au film le rythme d’un fleuve. Il est en outre doté d’une psychogéographie — un univers métaphysique, mystérieux et surnaturel par opposition au paysage naturel du Canada — qui emprunte dans une large mesure au Londres obscur et occulte d’Alan Moore dans son formidable roman graphique From Hell.
La structure d’ensemble du voyage surnaturel est essentiellement tirée de La complainte du vieux marin de Coleridge, son albatros étant devenu notre corbeau. En tentant de donner au gouverneur des motifs d’être obsédé par le corbeau, de le détester et de le craindre, nous avons beaucoup emprunté à Moby Dick. Mais nous l’avons sans doute fait inconsciemment, puisque c’est lorsqu’on nous l’a fait remarquer au cours d’une projection de la copie de travail que nous nous en sommes aperçus.
Même s’il s’agit essentiellement d’un mythe celte écossais, le corbeau incarne ici le fripon divin, l’agent de changement. Tout le film se déroule dans le subconscient du gouverneur, qui se trouve face à un choix : trouver un équilibre avec la nature ou périr. On retrouve sur le canot des motifs celtes, la triade celtique et, à sa proue, l’effigie du dieu chasseur Cernunnos aux bois de cerf. Le film comporte aussi certains aspects de la logique du rêve, et la fin peut revêtir plusieurs sens.
Le titre anglais du film, Skin for Skin, est issu d’une conversation entre Dieu et Satan tirée du Livre de Job : « Et Satan répondit à l’Éternel : “Peau pour peau ! Tout ce que possède un homme, il le donne pour sa vie.” » Allez savoir ce que ça peut bien signifier !
Mais ce qui est plus pertinent, dans le cadre de ce projet, c’est que la citation avait été reprise par la Compagnie de la Baie d’Hudson, laquelle l’avait détournée de son sens premier pour réaliser son écusson officiel : « Pro Pelle Cutem » est la version latine de « Peau pour peau ». Cela signifiait que la peau humaine travaillait à obtenir la peau de l’animal. La Compagnie utilise encore l’écusson sur certains produits ou sur du matériel de promotion.
Vous êtes tous deux de fervents cinéphiles. Parlez-nous un peu de vos influences, en ce qui touche la création de ce film, et de la façon dont vous avez conçu les séquences d’action d’un effet cinématographique incroyable…
Nous adorons tous les types de cinéma et étudions avidement le récit visuel. Nous avons puisé à l’œuvre de nombreux cinéastes, en particulier au langage visuel de Kubrick et de Spielberg. La précision de notre dessin s’inspire beaucoup de l’approche de Kubrick, non seulement pour la netteté visuelle, mais aussi pour le cadrage, les lentilles et le montage, ainsi que de la façon dont Spielberg raconte ses histoires en images : même en coupant le son, vous allez comprendre le film. Nous avons également cherché à insuffler une poésie aux images en nous inspirant des travaux de Terrence Malick et de Nicolas Winding Refn. Et puis nous nous sommes tournés, aussi, vers les films noirs et les romans graphiques de Mike Mignola. Il y a presque trop à dire sur nos influences !
Pour ce qui est de la technique et de l’esthétique, nous avons eu recours à une méthode hybride 2D-3D. Nous nous sommes éloignés des effets d’aspect plus « plastique » de l’infographie 3D en faisant appel au savoir-faire de notre équipe spécialisée en image de synthèse pour l’animation dessinée, l’illustration et le graphisme. Nous avons ainsi créé des tableaux mobiles saisissants pour raconter notre histoire mythique complexe. Le style du film allie les sculptures de ZBrush, l’infographie de Maya et les animations d’After Effects d’Adobe à un style visuel conçu au moyen de traits de crayon, de textures illustrées et d’arrière-plans dynamiques.
Nous avons entrepris le projet en prévisualisation 3D. Nous comptions au départ recourir à la méthode du papier découpé et des illustrations, mais nous avons adoré l’idée de travailler en 3D, d’autant plus que les gens et les canots sont difficiles à dessiner ! C’était la première fois que nous avions l’occasion d’organiser les choses en 3D et d’essayer différentes lentilles de caméra, ce qui offre beaucoup plus de liberté que d’utiliser les techniques 2D. Avec le 2D, vous devez vous enfermer plus tôt dans la composition et la disposition, et vous ne pouvez pas vraiment effectuer de changements sans avoir à jeter à la poubelle une quantité de travail déjà terminé qu’il vous faudra recommencer. Nous avons aussi réalisé des scénarimages exhaustifs : l’histoire n’était pas facile à raconter. Puis, une fois nos éléments visuels numériques en 3D terminés, le récit s’est incarné encore davantage. Nous avons vu tant d’autres possibilités ! L’équipe a travaillé vraiment fort sur tous les aspects.
Tous les membres du groupe possédaient un talent et une créativité formidables, mais personne ne connaissait grand-chose aux aspects vraiment techniques de ce que nous tentions de réaliser. Tout était si nouveau ! Alors, c’est sur le terrain que chacun a acquis les connaissances nécessaires à la fabrication du film. Ils ont travaillé particulièrement fort et nous leur sommes très reconnaissants de s’être engagés à fond avec nous.
Vous collaborez dans la vie et au travail depuis plus de vingt ans, et avez réalisé ensemble quinze courts métrages d’animation pour la plupart d’un ton beaucoup plus léger que le contenu de J’aurai ta peau… Certains étaient même parfois assez désopilants. Qu’est-ce qui vous a amenés à changer d’orientation dans le cadre de ce projet ?
Nous avons toujours voulu réaliser un film sérieux sur le mythe et, de toute façon, le sujet ne laissait pas vraiment de place à l’humour. Nous avions déjà réalisé un documentaire d’animation de ce genre (Dunvegan: Where the Trails Cross, pour le service des lieux historiques nationaux de l’Alberta) et nous souhaitions revenir sur ce thème de l’histoire de notre pays et nous y attarder davantage. L’histoire du Canada n’a rien de drôle, et ni la recherche que nous avons faite ni l’angle que nous avons adopté (sous l’influence de Coleridge) ne se prêtaient à l’humour. Plus nous approfondissions la recherche et les influences, plus le film dictait sa propre voie. Edgar Allan Poe (Le corbeau) nous a aussi servi de ressource pour ce qui est de sa sensibilité gothique. Carol adore son œuvre et elle a composé une nouvelle inspirée de son style pour adapter l’histoire de la Compagnie de la Baie d’Hudson à La complainte du vieux marin. Comme les événements sur lesquels nous avons choisi de nous pencher se sont déroulés à peu près à l’époque où Poe a commencé à écrire, il y avait là un synchronisme intéressant. Les déplacements qu’effectuait le gouverneur Simpson avec la brigade du printemps pour s’assurer de la santé de la Compagnie nous ont aussi fourni une occasion formidable d’étendre le récit à l’ensemble du pays.
Nous avons toujours voulu travailler avec l’ONF, et son mandat nous tenait à cœur : « La mission de l’Office national du film est de proposer de nouvelles perspectives sur le Canada et le monde abordées à partir de points de vue canadiens, des perspectives que personne d’autre ne présente et qui, tout en explorant avec créativité ce que sont les Canadiens et ce qu’ils peuvent devenir, profitent aux auditoires canadiens et étrangers. » L’ONF nous a également poussés à nous aventurer en terrain inconnu au chapitre de la technique, des images et de la méthode utilisée. Il ne nous restait plus qu’à nous accrocher et à nous lancer vers des horizons nouveaux !
Matériel promotionnel
Images
Équipe
Relations de presse
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Nadine Viau
Attachée de presse – Montréal
C. : 514-458-9745
n.viau@onf.ca
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L’ONF en bref
L’Office national du film du Canada (ONF) est un chef de file dans l’exploration de l’animation comme forme d’art, de mise en récit et de contenu innovateur pour les nouvelles plateformes. Il produit des œuvres d’animation audacieuses dans ses studios situés à Montréal, mais aussi partout au pays, et collabore avec les créateurs et créatrices les plus en vue de la planète dans le cadre de coproductions internationales. Les productions de l’ONF ont remporté plus de 7000 récompenses, dont, en animation, 7 Oscars et 7 Grands Prix du Festival d’Annecy. Pour accéder à ces œuvres uniques, visitez ONF.ca.