Une production de l’Office national du film du Canada

Entre immersion sensorielle et expérience spirituelle, le documentaire Incandescence explore au fil des saisons l’extraordinaire capacité d’adaptation de la nature aux feux de forêt.

Partout sur la planète, les feux de forêt ravagent des régions entières et déplacent de nombreuses communautés. Entre immersion sensorielle et expérience spirituelle, le documentaire Incandescence propose un nouveau regard sur le drame des incendies géants en explorant la capacité d’adaptation de la nature. Au fil des saisons émerge la vision d’une Terre résiliente, qui renaît éternellement de ses cendres. Dans cette extraordinaire mosaïque forestière, la faune et la flore deviennent une source d’inspiration pour l’humain.

« Le feu est un animal qui vit et respire. » Chaque été, les incendies de forêt ravagent des zones toujours plus vastes sur la planète, réduisant en cendres des régions entières et obscurcissant le ciel d’une épaisse fumée. Alors que les stratégies de suppression totale échouent devant les flammes galopantes, de nombreuses communautés, impuissantes face à l’accélération des changements climatiques, doivent fuir la fureur du brasier. Ici comme ailleurs, des gens perdent leur logement, leur territoire ou même la vie.

Avec une approche qui mêle l’immersion dans la nature et l’illumination spirituelle, les cinéastes Nova Ami et Velcrow Ripper (Métamorphose) proposent un nouveau regard sur le drame mondial des incendies géants. À l’aide d’observations sur le terrain, de savoirs ancestraux autochtones et de récits intimes de personnes en première ligne, leur documentaire Incandescence témoigne de l’évolution rapide de l’écosystème forestier.

Au lieu de lutter contre une bête « qui court pour rester en vie », il est possible de transformer la capacité de destruction du feu en une force de renouvellement. Suivant le rythme des saisons et le cycle des incendies — dévastation, dommages, renaissance —, Incandescence fait émerger la vision d’une nature résiliente qui s’adapte aux effets du feu. Certains arbres utilisent la chaleur des incendies pour libérer leurs graines ; d’autres plantes absorbent les nutriments générés dans le sol pour fleurir. Petit à petit, partout la vie revient.

Perspectives aériennes d’oiseaux et paysages sonores évocateurs créent une expérience cinématographique riche et foisonnante, où la Terre renaît éternellement de ses cendres. Dans cette extraordinaire mosaïque forestière qui ne cesse de se réinventer, la faune et la flore deviennent une source d’inspiration pour la survie de l’être humain.

1. Nous avons tendance à concevoir le feu comme une force de destruction et de chaos, mais Incandescence met en relief le fait qu’il constitue une composante essentielle du cycle de croissance d’une forêt. En quoi votre compréhension du rôle que joue le feu dans le contexte plus large des modèles environnementaux et planétaires a-t-elle changé ou évolué au cours du processus de création du film ?

Nous avons conçu l’idée d’Incandescence avec l’intention d’examiner notre rapport au feu dans le contexte des méga-incendies attribuables au changement climatique. Notre compréhension du feu a évolué à mesure que se déroulait la création du film, d’autant plus que nous avons passé du temps avec des gardiennes et gardiens du feu autochtones qui nous ont enseigné certaines choses et dont les ancêtres ont pratiqué le brûlage culturel pendant des milliers d’années. Nous savions que le feu peut être effrayant, dangereux et destructeur, mais il est également bon pour la terre, quand nous travaillons avec lui. Le combustible non brûlé des forêts, associé au changement climatique, crée une combinaison mortelle qui produit des incendies plus chauds et plus importants qu’auparavant. En revanche, les feux à faible intensité d’un brûlage dirigé réduisent la charge de combustible, rajeunissent le sol et favorisent la libération des graines des cônes de certaines espèces de pins. L’interdiction des pratiques traditionnelles par les colons a contribué à l’augmentation des méga-incendies. Le retour aux pratiques de brûlage culturel et l’adoption d’une approche de collaboration entre les organismes de gestion du feu et les gardiennes et gardiens du feu autochtones sont des méthodes importantes pour l’avenir, en cette époque où le risque de feux incontrôlés devient de plus en plus grand.

2. Le film est particulièrement axé sur l’univers non humain (les plantes, les animaux). À quel point vous semblait-il important de vous écarter de l’expérience humaine pour présenter une image plus globale de l’impact des feux incontrôlés sur le monde naturel ?

Il était très important pour nous d’examiner les conséquences des feux incontrôlés sur les écosystèmes, de nous situer dans la perspective d’une diversité de créatures vivantes et de plantes : nous avons si souvent tendance à observer le monde à travers notre vision humaine fragmentée et même, fréquemment, par la lorgnette encore plus étroite de notre identité singulière. Il nous faut voir le monde comme le système complexe qu’il est. Pour Incandescence, nous voulions porter notre regard au-delà de l’humain, puisque l’histoire est plus grande que lui. Parmi les animaux que nous avons filmés, il y a les castors, considérés comme les pompiers de la nature parce que les zones humides qu’ils créent contribuent à freiner la propagation du feu. Il y a aussi les cerfs, les coyotes, les ours, les abeilles, les mouflons et les balbuzards, qui traversent le cycle des saisons, dont celle des feux incontrôlés, et qui subissent tous les effets de ces brasiers plus chauds et persistants qu’auparavant.

3. Quelles difficultés particulières le fait d’effectuer un tournage dans des forêts en feu présentait-il ? Votre équipe a-t-elle collaboré étroitement avec le personnel de première ligne pour assurer la sécurité et l’accès aux lieux durant le processus de création du film ?

Les principaux défis d’un tournage qui porte sur les feux incontrôlés sont la sécurité, l’accès aux lieux et la nécessité de ne pas nuire aux interventions d’urgence. Nous avons collaboré étroitement avec Rider Ventures, un groupe indépendant de lutte contre les incendies de végétation, ainsi qu’avec le service provincial BC Wildfire, dont la sécurité était la principale préoccupation. Nous avons participé à des exposés sur les mesures de sécurité, porté l’équipement de protection individuelle (ÉPI) adéquat et respecté les protocoles de sécurité rigoureux que supervisaient les responsables des équipes de combat contre le feu.

Les gens de Rider Ventures nous appelaient leur « famille du film » et ont vraiment adhéré au projet. L’équipe de BC Wildfire nous a également soutenus en nous offrant l’aide de deux pompiers cameramen chevronnés. Grâce à leur formation, ils ont pu capter des images en s’approchant d’incendies particulièrement intenses, ce qui nous aurait été impossible. Nous avons aussi collaboré avec des gens de la région, vidéographes d’expérience, qui ont réalisé des images spectaculaires : je pense par exemple à David Newcomb, un ancien cameraman qui a filmé le feu de White Rock Lake dès les premiers jours.

4. Puisque les méga-incendies se produisent maintenant de façon régulière et qu’ils frappent un nombre croissant de personnes de manière immédiate et souvent tragique, croyez-vous que la situation va mener à une plus grande sensibilisation au changement climatique ? À votre avis, quel rôle peut jouer Incandescence dans l’évolution de cette compréhension de la transformation de la planète ?

On ne peut pas ignorer les causes qui contribuent au déclenchement régulier de méga-incendies. Les gens sont sans aucun doute de plus en plus conscients du changement climatique. En tant qu’humains, il nous faut miser à la fois sur l’adaptation et sur l’atténuation. L’une et l’autre ne s’excluent pas mutuellement, mais doivent au contraire se produire simultanément.

Incandescence propose une expérience immersive directe en nous présentant des communautés frappées par les feux incontrôlés, une exploration de notre relation au feu et des conséquences de la nature changeante de notre planète sur cette relation. Par cette expérience, nous espérons inspirer l’empathie, et plus de compréhension et de mesures concrètes.

5. Croyez-vous que des crises comme celles que provoquent les méga-incendies peuvent constituer un point d’inflexion, et faire en sorte que les individus et les communautés se rassemblent pour chercher des solutions mieux adaptées et plus durables ?

Puisque les phénomènes climatiques comme les méga-incendies se multiplient, nous pouvons nous concentrer sur la façon dont nous allons protéger nos communautés et empêcher ces événements de se produire à l’avenir. Nous pouvons songer à bâtir nos communautés en nous orientant vers la durabilité. En nous soutenant mutuellement, en faisant la connaissance de l’autre et en mettant nos idées en commun. Dans l’immédiat, il faut pouvoir offrir un accompagnement psychologique aux personnes directement touchées, et pourvoir au logement et à la subsistance des personnes déplacées. Et à l’avenir, travailler ensemble en faisant appel aux pratiques autochtones liées à la terre, rebâtir et construire au moyen de matériaux durables et résistants au feu, réduire les combustibles et s’éloigner de l’utilisation des combustibles fossiles. Les crises peuvent faire ressortir le meilleur de nous-mêmes si elles nous apprennent à travailler ensemble à notre propre survie.