Face-à-face
2024 | 94 min 33s
Documentaire archival
anglais
Prix et festivals
Sélection officielleFestival international du film de Vancouver, Canada (2024)
Une production de l’Office national du film du Canada
Une linge
Tirée de plus d’une centaine d’heures d’archives inédites, cette chronique captivante reconstitue un épisode décisif et méconnu de la résistance autochtone, lorsque la Nation Haïda s’est dressée contre l’occupation coloniale.
Synopsis court
En 1985, à Haida Gwaii, un groupe d’Autochtones se dressent contre l’occupation coloniale et exigent l’arrêt des coupes à blanc qui ravagent leur territoire. Quarante ans plus tard, à l’aide de plus d’une centaine d’heures d’archives inédites, le réalisateur haïda Christopher Auchter ressuscite cet épisode méconnu de la résistance autochtone, qui a jeté les bases des revendications territoriales contemporaines. Saisissant avec acuité les moments de tension comme de douceur, Face-à-face raconte comment la Nation Haïda a pris position pour l’avenir.
Synopsis Long
Il était une fois un peuple vivant depuis des millénaires sur un archipel aux forêts majestueuses et aux eaux regorgeant de saumons. Son existence était intimement liée à l’environnement naturel, jusqu’à ce que des colons venus de loin ravagent ses ressources et tentent d’anéantir sa culture ancestrale.
Cette histoire est celle de la Nation Haïda, héritière légitime de Haida Gwaii, les « îles du peuple », en Colombie-Britannique. Mais elle ne finit pas là : en 1985, après un siècle de domination coloniale, un groupe de Haïdas décide de se dresser contre l’occupant. Défendant courageusement leur territoire et l’avenir de leur peuple, les activistes exigent l’arrêt des coupes à blanc qui dépouillent les forêts et détruisent l’habitat du saumon. Leur barrage érigé sur un chemin de l’île Lyell deviendra un épisode décisif de la résistance autochtone au Canada.
À l’aide d’images et de bandes audio tirées de plus d’une centaine d’heures de matériel d’archives, le réalisateur haïda Christopher Auchter, dont des membres de la famille ont participé au barrage de Lyell, ressuscite la bataille complexe qui se joue alors dans les forêts, la sphère judiciaire et l’opinion publique. Face aux intérêts forestiers privés, à la pression écrasante de la police fédérale et à la propagande médiatique orchestrée par les autorités, le peuple haïda pourra-t-il s’en tenir à une stratégie de résistance pacifique ?
Saisissant avec acuité la tension des affrontements sur le terrain et sur les plateaux de télévision, mais aussi la douceur de moments ordinaires, Face-à-face nous plonge au cœur de ce tournant passionnant, mais souvent méconnu de l’histoire, qui trouve son prolongement dans les luttes d’aujourd’hui pour la souveraineté autochtone.
Entrevue avec Christopher Auchter
- Ce qui s’est passé en 1985 a sans doute changé le cours de l’histoire, non seulement pour la Nation Haïda, mais aussi pour le reste du Canada. Rétrospectivement, certaines choses vous ont-elles surpris dans le déroulement des événements ?
J’ai été surpris par l’ampleur du dialogue et du respect mutuel entre la GRC et les Haïdas. La communication entre les membres des deux parties était incroyable : ils prenaient le café ensemble, riant et souriant alors qu’ils échangeaient des histoires et discutaient des dernières nouvelles que chaque partie recevait du gouvernement et des tribunaux sur le litige. J’aurais du mal à trouver un tel exemple aujourd’hui.
- D’après vous, c’est la nécessité d’agir comme des humains qui appartiennent au monde, et non pas comme s’ils se situaient au-dessus de lui, qui a motivé cette action. D’où est venue l’idée du blocus ?
Certaines légendes Haïdas rendent compte de batailles et de conflits qui se sont réglés d’une manière qui pourrait sembler étrange à certains. Les deux récits suivants m’ont été racontés par mon oncle Mike (Michael Nicoll Yahgulanaas).
Le premier relate l’arrivée à Haida Gwaii d’un groupe d’envahisseurs venus du continent. Des pirogues de guerre accostent le village haïda. Le champion des envahisseurs saute de l’embarcation pour défier le meilleur guerrier du village. Les gens du village et ceux des pirogues se rassemblent sur la plage. Le champion haïda s’avance, fait face à son adversaire : les deux combattants sont vêtus pour l’affrontement, dagues au poing. Sans sourciller, ils se font face, se fixent, attendent de voir qui fera le premier pas. La tension est à son comble. Soudain, une mouche noire volette entre les deux visages. Le champion haïda cligne des yeux. Un ancien s’écrie alors : « Tu as cligné des yeux, tu as perdu ! » Les deux guerriers se mettent à rire, les envahisseurs et les Haïdas en font autant. La tension retombe. Le conflit entre les Haïdas et les envahisseurs s’est réglé pacifiquement.
La deuxième histoire que mon oncle m’a racontée concerne un conflit entre deux villages haïdas. Les pirogues de guerre de l’envahisseur apparaissent et se dirigent vers le village. La population se rassemble devant le village et envoie une délégation de bienvenue sur la plage au moment où les embarcations sont sur le point d’accoster. Les membres de la délégation jouent du tambour et dansent sur le rivage. Pour ne pas être en reste, les guerriers des pirogues dansent à leur tour. Chaque camp répond à tour de rôle à la danse de l’autre. La journée passe ainsi. Le soir venu, les deux camps sont épuisés. Le village organise un festin pour les envahisseurs qui venaient lui faire la guerre. Là encore, le différend s’est réglé pacifiquement.
Ces exemples illustrent la créativité à l’œuvre pour venir à bout d’affaires délicates et la capacité d’éviter le recours à la violence. On peut examiner ce qui s’est passé sur l’île Lyell à la lumière de ces deux récits issus de la tradition orale ; les situations évoquées se répondent si bien. La menace de violence plane en permanence dans ces récits ; la situation aurait pu dégénérer en tout temps. Mais, dans les deux cas, les deux parties se sont réunies pour régler le différend. La violence crée des ennemis, c’est tout. Comment, dès lors, aller de l’avant ?
- Inspirés par des actions pacifiques comme le mouvement des droits civiques aux États-Unis, les Haïdas étaient-ils déterminés dès le départ à s’abstenir de toute violence ? Pensez-vous que les personnes impliquées avaient conscience de l’ampleur des changements qui résulteraient de leurs actions ?
Dans le cas de l’île Lyell, les dirigeants Haïdas ont envisagé de nombreux scénarios, y compris le recours à la force. Ils savaient toutefois que la Nation Haïda serait rapidement débordée par la police et l’armée dans chacun de ces scénarios. Les Haïdas savaient aussi que s’ils optaient pour la violence, la population canadienne ne les soutiendrait pas ou si peu. Ils avaient besoin de l’appui de l’opinion publique pour persuader les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada de collaborer avec la Nation Haïda pour parvenir à une issue favorable.
Cet événement a été incroyablement bien planifié. Toutefois, le respect du plan de non-violence a demandé du courage à toutes les personnes concernées : les humains ont tendance à crier et à recourir à la force en cas de désaccord. Dans les moments de faiblesse, les conseils des Aînés et des pairs se sont avérés inestimables pour redresser la barre.
Lorsque je lui ai demandé comment ils en étaient arrivés à ce plan de non-violence, mon oncle Michael m’a répondu : « C’est le Mahatma Gandhi qui l’a inspiré. »
- Le film comporte des éléments d’animation. Qu’avez-vous voulu mettre en évidence avec le personnage de la Femme Souris ?
La Femme Souris est devenue la narratrice du film. En quelque sorte, nous vivons cet événement à travers ses yeux.
Lorsque je pense à cette période de l’histoire, lorsque je l’imagine dans mon esprit, je vois les Êtres surnaturels aux côtés du peuple haïda, qui s’est battu sur l’île Lyell pour la survie de notre culture et de la terre qui nous a façonnés et nourris pendant plus de 14 000 ans. Les Êtres qui se tiennent aux côtés des Haïdas leur donnent force et détermination.
J’ai choisi la Femme Souris pour représenter les Êtres surnaturels parce que, dans nos récits, elle fait office de pont entre ces Êtres et les personnes humaines. Elle agit comme une force d’équilibre, un arbitre. Si un être humain commet une erreur et manque de respect envers la terre ou un animal, s’il agit de façon cruelle et se retrouve en difficulté avec un Être surnaturel, la Femme Souris peut intervenir et l’aider. Elle ne résoudra pas le problème à la place de la personne humaine, mais elle lui donnera des conseils ou des directives et, à l’occasion, elle réprimandera un Être surnaturel beaucoup plus grand qu’elle si elle juge qu’il va trop loin. Elle est petite, mais puissante, et je pense que cela correspond parfaitement aux Haïdas si l’on y pense de façon globale.
Comme je viens de le dire, la Femme Souris représente le lien des Haïdas avec les Êtres surnaturels, ceux qui vivent dans le paysage. Chaque ruisseau, chaque point qui s’étend jusqu’à l’océan est habité par l’un de ces Êtres. Ils font partie de l’environnement. Ils nous aident à respecter la terre, l’air et la mer ; impossible de faire ce que nous voulons, de prendre tout ce que nous souhaitons. Rien de tout cela ne nous appartient ; il doit y avoir un équilibre. Les Êtres surnaturels, les récits et la sagesse qu’ils apportent représentent aussi ce pour quoi les Haïdas se battaient, ce qu’ils voulaient protéger. C’était notre culture qui était en jeu, et la Femme Souris en est un exemple.
- 5. Quel est votre lien personnel avec ce récit ?
Plusieurs liens m’unissent à ce récit. Je suis moi-même issu de la Nation Haïda. Raconter ces événements m’aide à mieux comprendre mon histoire et à en tirer des enseignements. Sur un plan plus personnel encore, ma tante Shelley Hageman et mon oncle Michael, deux personnes qui ont été des piliers dans ma vie, se sont tous deux battus sur l’île Lyell en 1985. J’étais trop jeune à l’époque pour me souvenir de cet événement. Réaliser ce film m’a permis de leur rendre hommage et d’avoir un aperçu de ce qu’ils ont vécu.
- 6. Les moments les plus saisissants du film sont aussi les plus intimes et les plus doux : les Haïdas qui invitent les bûcherons et leurs familles à un repas communautaire ; le courage des Aînés qui prêtent leur présence au blocus ; et même les conversations ordinaires entre les gens qui attendent l’arrivée de la GRC. Qu’avez-vous ressenti en vous immergeant dans ce moment de l’histoire, alors que quantité de luttes similaires pour la protection et la sauvegarde du monde naturel sont en cours ?
Les moments doux et calmes nous montrent les ficelles de la résolution du conflit. Ils nous donnent aussi une idée du caractère et de la nature du peuple haïda. Je voulais montrer la personne humaine derrière le guerrier. Cela va autant pour les Haïdas que pour la police et les bûcherons.
Ces moments d’intimité et de douceur sont essentiels dans la narration. Je voulais que l’histoire se déroule sous nos yeux et non par l’intermédiaire d’entrevues. Je voulais que le public comprenne les raisons pour lesquelles les Haïdas bloquaient la route forestière et la complexité de la situation de leur point de vue. Présenter le film de cette manière permettait à ceux qui se trouvaient sur la route et dans le camp de raconter leur propre histoire, sans que le temps vienne dénaturer les événements.
C’était à la fois fantastique et difficile de m’immerger dans cet épisode historique. Fantastique parce que tant de moments bruts et captivants avaient été enregistrés sur vidéo et sur bandes audio. Difficile parce que l’histoire est si vaste, les événements qui ont mené à 1985 se sont déroulés sur une si longue période. J’étais facilement submergé. Je me demandais comment j’allais bien pouvoir inclure toutes ces informations sans perdre mon public. J’avais la réponse sous les yeux : elle se trouvait dans les conversations que les Haïdas avaient entre eux en attendant l’arrivée des bûcherons et de la police. Elle se trouvait dans les questions que les journalistes posaient et dans les réponses qu’ils obtenaient. J’avais en main la plupart des éléments nécessaires pour raconter l’histoire à partir de ce qui se passait sur la route, et l’histoire ne voulait pas quitter la route. Lorsque j’ai choisi de sortir l’histoire de la route, Jack Webster m’a aidé à la contextualiser davantage et à donner une voix à la nation à laquelle les Haïdas faisaient face : la Colombie-Britannique et le Canada.
Affiche
Images
En raison de la nature archivistique du film, les images ont une résolution aussi élevée que possible compte tenu des matériaux sources.
Équipe
Relations de presse
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Katja De Bock
Attachée de presse – Vancouver
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k.debock@onf.ca | @NFB_Katja
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L’ONF en bref
Fondé en 1939 et unique en son genre, l’Office national du film du Canada (ONF) produit, coproduit et distribue des documentaires et des films d’animation distinctifs, engageants, pertinents et innovants. Incubateur de talents, il est un des plus grands laboratoires de création au monde. Depuis plus de huit décennies, l’ONF permet aux Canadiennes et aux Canadiens de se raconter et de se rencontrer. Ses films sont de plus une ressource éducative fiable et accessible. L’ONF possède également une expertise reconnue mondialement en préservation et en conservation, en plus d’une riche collection vivante d’œuvres qui constituent un pilier important du patrimoine culturel du Canada. Jusqu’à maintenant, l’ONF a produit plus de 14 000 œuvres, dont 6500 sont accessibles gratuitement en ligne sur onf.ca. L’ONF ainsi que ses productions et coproductions ont remporté au-delà de 7000 prix, dont 11 Oscars et un Oscar honorifique récompensant l’excellence de l’organisation dans toutes les sphères de la cinématographie.