Des histoires ancrées en nous
2019 | 11 min 17 s
Sélections et prix
Sélection officielleSan Francisco American Indian Film Festival, San Francisco, California (2019)
Ce court métrage en couches multiples nous présente la cinéaste Janine Windolph à la pêche en compagnie de ses deux fils et de leur kokum (grand-mère), une survivante des pensionnats indiens qui conserve une connaissance et un souvenir profonds de la terre. Pour les garçons qui grandissent en ville, cette démarche visant à renouer avec la terre natale s’inscrit dans un processus de guérison culturel et familial. La mère et la grand-mère y trouvent une forme de résistance puissante.
Synopsis long & En quelque mots
Synopsis long
La cinéaste, éducatrice et travailleuse communautaire Janine Windolph n’est encore qu’une enfant lorsqu’elle quitte sa communauté crie de La Ronge, en Saskatchewan. Pendant de nombreuses années, elle se demande si elle reverra un jour la terre porteuse des récits et des souvenirs de sa famille. La naissance de ses deux fils fait toutefois germer en elle un désir intense de renouer avec sa terre natale et d’ouvrir pour ses garçons l’accès au savoir, à la famille et aux modes de vie traditionnels, un patrimoine ancestral enraciné dans la présence en ces lieux. Ce court métrage en couches multiples nous présente Janine et sa mère, survivante des pensionnats indiens, à la pêche en compagnie de leurs deux jeunes citadins : cette démarche de guérison renseignera les garçons sur eux-mêmes, sur leur culture et sur leur histoire. En établissant ce lien avec la terre, mère et fille incarnent la résistance et démontrent qu’un geste en apparence anodin peut constituer une forme de décolonisation et de souveraineté alimentaire pour les générations actuelles et futures.
En quelques mots
Une mère emmène ses deux jeunes fils citadins à la pêche avec leur kokum (grand-mère) : cette simple excursion est une forme de résistance puissante qui recrée le lien qui les unit à la terre natale et les uns aux autres.
Q et R avec Janine Windolph
1. Parlez-nous un peu de vous et de vos origines.
Je suis mère de deux garçons ; j’ai perdu ma fille pendant ma grossesse. Plus j’en apprends sur l’histoire de ma famille, plus je prends conscience de la diversité de mon identité. Je suis née à La Ronge, en Saskatchewan, et j’y suis demeurée jusqu’à l’âge de 11 ans. Ensuite, j’ai vécu à Red Deer, en Alberta, puis à Saskatoon, en Saskatchewan, et plus tard à Regina. Les racines cries des bois de ma famille paternelle se trouvent ici, à La Ronge. Ces déménagements dans différentes villes m’ont fait vivre un choc culturel, mais je me suis mieux adaptée à l’adolescence. Ma famille maternelle est originaire de Waswanipi, au Québec, où est née ma grand-mère atikamekw Caroline. Celle-ci et mon grand-père allemand se sont installés en Saskatchewan et y ont établi la lignée familiale. J’enseigne à mes enfants qu’ils sont forts parce que leurs origines familiales sont d’une telle diversité ! Mes garçons sont nés et ont grandi à Regina, en Saskatchewan, la terre du Traité no 4, où la culture crie des plaines nous a adoptés par l’intermédiaire de mon père.
2. L’ensemble de vos travaux comprend des films, des publications universitaires et du travail communautaire. Quels sont les thèmes et les liens qui unissent toutes ces composantes ?
Les principaux thèmes sont ceux de la famille, de la communauté et de la parenté. Le récit — présenté sur différents supports — constitue la clé pour poursuivre le dialogue, soutenir la guérison par la compréhension et mettre en valeur le lien de parenté à travers la famille et la communauté et aussi en tant que peuple. Parmi les films que j’ai créés, beaucoup sont à la fois des histoires personnelles et des récits liés à la communauté. Lorsque des cercles de la parole complètent la présentation, le récit peut être un moyen puissant de favoriser le dialogue et d’établir des relations.
Ce projet représente pour moi un nouveau champ d’intérêt : explorer la question de la souveraineté alimentaire. Elle était primordiale dans mon enfance. J’avais l’habitude de manger du poisson frais, du chevreuil, du rat musqué et différentes plantes fourragères. C’est largement grâce à la souveraineté alimentaire que j’ai compris les enseignements culturels de ma famille. Lorsque j’ai emménagé à la ville, mon alimentation n’a pas tardé à changer et à se composer de produits transformés. Je me suis mise à manger plus de bœuf, de poulet et de jambon tout en perdant peu à peu contact avec les aliments de mon enfance. Ces dernières années, je suis devenue végétarienne, parce qu’il est apparu clairement que les aliments transformés avaient des conséquences néfastes sur ma santé. Une fois adulte, j’ai appris davantage sur l’histoire des peuples autochtones et il m’a semblé évident que la première vague génocidaire a consisté à détruire les ressources alimentaires, par exemple le bison. Au fil des ans, l’exploitation minière et les autres formes de contamination, comme le déversement récent de pétrole de la compagnie Husky Energy dans la rivière Saskatchewan Nord, ont rendu la terre malade. C’est ce qui m’a amenée à craindre que mes fils n’aient pas la chance de vivre et d’apprendre de la terre grâce à la nourriture, comme j’ai eu l’occasion de le faire. Alors, je leur ai lancé un défi : s’ils s’occupaient de fournir les vivres, comme leur famille l’avait fait avant eux, je mangerais ce qu’ils allaient offrir. Cette idée en elle-même m’a inspiré ce film.
3. Vous avez travaillé avec la Commission de vérité et réconciliation (CVR), et vos films ont rendu compte de l’histoire réelle des pensionnats indiens au Canada. Que signifie pour vous le terme « réconciliation » ?
J’ai appris que le sens du terme « réconciliation » varie d’une personne à une autre. Pour moi, participer à la CVR en recueillant des déclarations représentait un moyen d’aider les autres à partager leur vérité et à voir à ce que cette vérité soit reconnue. Après des années consacrées à écouter des centaines de déclarations, je me suis rendu compte qu’il existait bien des façons d’envisager la mise en œuvre de la réconciliation.
En ce qui me concerne, elle a commencé par mon propre parcours de guérison : je me suis d’abord employée à rompre les cycles intergénérationnels qu’avait créés l’héritage des pensionnats indiens. L’étape suivante a consisté à mettre l’accent sur ma famille en amorçant un dialogue pour tenter d’apporter des solutions aux perturbations et aux rapports fragmentés résultant de ces cycles destructeurs. Ensuite, j’ai ouvert et soutenu un dialogue à l’intérieur de ma communauté, et j’ai raconté mon propre parcours de guérison. Je prends le temps nécessaire pour me tourner vers ceux et celles qui acceptent de tisser des liens tout en répondant aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Ce processus a d’ailleurs amené les autorités municipales et provinciales à attribuer au Regina Indian Industrial School Cemetery la désignation de site patrimonial. La dernière étape, et la plus difficile à franchir, visera à changer les politiques qui autorisent que l’on porte atteinte à la Terre. Il s’agira notamment d’accorder aux gardiens des terres — les peuples autochtones — le pouvoir de diriger ce processus de guérison et d’inviter d’autres parties à jouer un rôle dans la revitalisation des terres.
4. Pourquoi vous a-t-il semblé si important de renouer avec votre lieu de naissance après avoir eu des enfants ?
Après avoir reconnu des vérités difficiles à entendre sur les conséquences qu’a eues sur ma famille et sur moi l’héritage des pensionnats indiens, je suis parvenue à surmonter la douleur, la honte, la colère et la blessure et j’ai pu voir la beauté, la résilience et la force de ma famille. Beaucoup de ses membres vivent d’ailleurs toujours sur les terres et en assurent l’intendance au meilleur de leurs compétences. En modifiant le regard que je posais sur mon passé, j’ai pris conscience du fait que mes enfants ne connaîtraient jamais le lieu qui a façonné mon éducation et qu’ils ne sauraient rien de la petite Janine que j’apprenais de nouveau à aimer. Je tenais vraiment à ce qu’ils voient la terre sur laquelle j’ai grandi, le terrain de jeu de mon enfance.
5. Pourquoi la présence de votre mère dans ce film vous semblait-elle importante ?
Ma mère est ma matriarche. Elle a été présente, non seulement pour moi, mais pour la communauté de Regina et aujourd’hui de nouveau pour celle de La Ronge. Elle m’a appris à être forte, à m’adapter, à partager et à aimer. Tout au long de son parcours de guérison, elle m’a enseigné la force et la résilience. Je veux que mes garçons sachent qu’elle est leur matriarche à eux aussi. Qu’elle est là pour nous apprendre ce qu’elle sait et pour nous guider dans la vie. Comme elle est retournée vivre des fruits de la terre, elle est heureuse. Ce film est une façon de rendre hommage à ma mère et aux enseignements qu’elle nous transmet à mes fils et à moi.
6. Qu’est-ce qui vous a inspiré le titre anglais du film, Stories Are in Our Bones ?
Ma mère me répétait souvent que ma kokum Caroline avait l’habitude de dire : « Nous portons nos histoires dans les os. » Elle affirmait que les os d’une personne décédée en disent long au sujet de cette personne : ce qu’elle mangeait, l’emplacement de ses blessures et même d’où elle venait. Au fil des ans, j’ai appris que les souvenirs de nos ancêtres se trouvent dans notre ADN et qu’on peut y accéder, mais nous avons oublié la façon de faire pour y arriver. J’ai compris que plus je renouais avec la terre, avec les aliments et avec les activités culturelles, plus je rétablissais les liens avec mes ancêtres. La pêche est parmi les activités que pratiquaient et pratiquent encore tous les côtés de ma famille. Je pêchais moi aussi à La Ronge, quand j’étais enfant. Lorsque mon fils Corwyn a souhaité apprendre, j’ai mesuré toute l’importance de cet apprentissage pour mes deux enfants.
Extraits
Images
Équipe
Générique
La Ronge, Saskatchewan du nord
Territoire du Traité no 6
Scénario et réalisation
Janine Windolph
Avec la participation de
Bruce McKenzie
Marian Otter
Corwyn Windolph-Turtle
Dawlari Windolph
Productrice déléguée
Coty Savard
Producteur
Jon Montes
Producteur exécutif
David Christensen
Direction de la photographie
Patrick McLaughlin
Montage
Conor McNally
Conception sonore et musique
Anita Lubosch
Prise de son
Tim Bender
Images additionnelles
Candy Fox
Formation en sensibilisation culturelle
Marian Otter
Guides
Jim Searson
Bruce McKenzie
Enregistrement de la narration
Dmitri Bandet
Assistant au montage
Marc Greene
Transcription
Lori Heath
Sous-titrage
Zoé Major
Coordonnateur technique
Luc Binette
Infographie
Mélanie Bouchard
Montage en ligne
Tony Wytinck
Enregistrement et mixage
Bruce Little
Remerciements
Tammy Cook-Searson
Courtney Fiske
Ed Lavallee
Hans Olson
Jhaik Windy Hair
Tourné en partie dans le parc provincial du Lac La Ronge
avec l’autorisation du ministère des Parcs, de la Culture
et du Sport de la Saskatchewan
Gestionnaire des opérations
Darin Clausen
Administration
Bree Beach
Devon Supeene
Coordonnatrices de production
April Dunsmore
Faye Yoneda
Superviseure de production
Esther Viragh
Mise en marché
Leslie Stafford
Conseiller juridique
Christian Pitchen
Directrice exécutive du Programme anglais
Michelle van Beusekom
Produit par l’Office national du film du Canada
© 2019
Relations de presse
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Katja De Bock
Attachée de presse – Vancouver
C. : 778-628-4890
k.debock@onf.ca | @NFB_Katja
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L’ONF en bref
L’ONF est le producteur et distributeur public canadien d’œuvres audiovisuelles primées, qu’il s’agisse de documentaires, d’animations d’auteur, de récits interactifs ou d’expériences participatives. Depuis 1968, l’ONF a produit plus de 300 œuvres signées par des cinéastes inuits, métis et des Premières Nations, constituant ainsi une collection sans pareille de films qui bousculent les récits de la culture majoritaire et proposent des perspectives autochtones aux auditoires d’ici et du reste du monde. L’ONF met en œuvre un plan d’action comportant une série d’engagements, notamment consacrer au minimum 15 % des dépenses globales de production aux œuvres réalisées par des artistes autochtones et rendre la collection de films autochtones de l’ONF plus accessible sur ONF.ca.