Célèbre à tout prix
2023 | 85 minutes
Documentaire
Version originale anglaise avec sous-titres français
Une coproduction de North of Now Films et de l’Office national du film du Canada
Dans l’impitoyable « économie de l’attention » d’Internet, de jeunes influenceuses et influenceurs jouent le tout pour le tout au nom de la gloire et de la fortune. Étude saisissante et opportune de la célébrité actuelle, Célèbre à tout prix s’aventure dans le Far West virtuel afin de brosser le portrait d’une nouvelle vague de créatrices et créateurs de contenu aussi ambitieux que téméraires.
Voir le film
Ce film traite d’un sujet controversé. Pour public averti.
Bande-annonce
Affiche
Synopsis long
Dans les toilettes d’un avion, Ava sort son téléphone et se filme en train de lécher le siège. Son compte TikTok explose. En quelques heures seulement, des médias du monde entier lui adressent des demandes d’entrevue.
Alors qu’Internet chamboule la notion même de célébrité, Célèbre à tout prix s’aventure dans le Far West virtuel afin de brosser le portrait de créatrices et créateurs de contenu ambitieux et risque-tout. Affamés de gloire, ils atteignent des sommets — et des abîmes — sans précédent dans leur quête effrénée d’influence et de visibilité.
Peter, cascadeur urbain amateur, brave régulièrement la mort en sautant de toit en toit, et Jake, qui se qualifie de « roi des imbéciles », est un farceur de banlieue mettant en scène de périlleuses acrobaties inspirées de la franchise Jackass. Ava se catalogue maintenant comme un « déchet du New Jersey », elle qui a transformé sa scène du siège de toilette en une carrière lucrative en produisant du contenu sur OnlyFans.
Rares sont celles et ceux qui deviennent riches. La plupart collectionnent les embûches et sont en proie à de cruels dilemmes, alors qu’ils naviguent dans cette impitoyable « économie de l’attention » où les mentions J’aime et le nombre de vues constituent des formes de rétribution addictives. La notoriété en ligne peut se payer au prix fort. Si elle arrive parfois à une vitesse telle qu’elle désarçonne quiconque la connaît, elle est susceptible de disparaître tout aussi vite et de produire des résultats déchirants.
À une époque où Internet opère un bouleversement radical de l’économie et de la culture, Célèbre à tout prix examine le phénomène de la célébrité en ligne avec empathie, perspicacité et un indéniable sens du style.
Entretien avec le réalisateur Tyler Funk
Quelle est la genèse de Célèbre à tout prix ?
Il y a toute une histoire à l’origine de ce film. Je fais partie d’un petit groupe d’amis de longue date. Nous avons grandi à Banff et avons décidé de devenir cinéastes dès la 4e année du primaire. Plus tard, nous nous sommes installés à Vancouver et avons étudié ensemble en cinéma. Il y avait Sebastian, producteur et monteur (notamment de ce projet), Conor, scénariste, David, acteur, et moi.
Quelle est la genèse de Célèbre à tout prix ?
Il y a toute une histoire à l’origine de ce film. Je fais partie d’un petit groupe d’amis de longue date. Nous avons grandi à Banff et avons décidé de devenir cinéastes dès la 4e année du primaire. Plus tard, nous nous sommes installés à Vancouver et avons étudié ensemble en cinéma. Il y avait Sebastian, producteur et monteur (notamment de ce projet), Conor, scénariste, David, acteur, et moi.
David passait son temps à faire des choses folles. Il sautait sur les rails du SkyTrain, avalait des litres de lait jusqu’à en vomir… bref, n’importe quoi pour attirer l’attention et faire rire. Puis, un jour, alors que nous étions à l’école de cinéma, il s’est jeté d’un pont. Cela nous a vraiment secoués. Plus de 10 ans plus tard, nous en sommes encore à essayer de comprendre ce qui s’est passé.
Alors, la première fois que j’ai vu ces jeunes créatrices et créateurs de contenu faire des choses extravagantes, j’ai pensé à David. Tout le monde a besoin qu’on lui témoigne de l’attention et de l’intérêt. Mais du besoin d’attention à l’appel à l’aide, il n’y a qu’un pas. C’est facile de juger, de voir en ces jeunes des artistes de l’extrême et d’oublier que ce sont de vraies personnes. J’ai commencé à m’interroger sur ce phénomène, sur ce qui les poussait à adopter des comportements aussi excessifs et à les publier en ligne. Je me suis demandé pourquoi on pouvait prendre autant de risques au nom de la gloire et, surtout, ce que cela signifiait d’être célèbre sur Internet et comment cela pouvait changer une vie.
Comment avez-vous choisi les protagonistes du film ?
Quand nous avons commencé à travailler à ce projet, en 2017, nous pensions faire un film beaucoup plus court, qui n’aurait porté que sur une seule personne, un créateur de contenu nommé Zackass. Mais il a signé un contrat avec MTV et abandonné le projet. Il joue dans le dernier Jackass, en passant, ce qui le lie de manière intéressante à Jake Hillhouse et à son histoire.
Puis, quand l’ONF s’est joint à nous, l’équipe a pris la décision de réaliser un film plus long, avec des protagonistes d’horizons divers œuvrant dans des genres différents. Nous nous sommes mis en quête d’autres créatrices et créateurs de contenu, en passant des heures sur différentes plateformes : Reddit, Instagram, TikTok, YouTube. Dès que nous trouvions une personne qui se démarquait, qui sortait du moule, nous communiquions avec elle. Peter Teatime et Jake Hillhouse ont été choisis rapidement ; Jade et Jumanne plus tard, juste avant le tournage.
Certains influenceurs et influenceuses sont de véritables vedettes, travaillent avec des agences et n’auraient participé au film qu’en échange d’un énorme cachet. À notre premier entretien avec Ava, elle s’est montrée intéressée, mais son agent ne partageait pas cet intérêt. C’est seulement quand nous l’avons jointe de nouveau, après le début du tournage, qu’elle a accepté de prendre part au projet. Jumanne est un cas particulier. Il a eu son heure de gloire, a fait parler de lui dans le monde entier et a reçu des appels de TMZ et d’autres médias. Tout le monde sur Reddit connaissait ses vidéos au contenu explosif tournées dans un Subway.
Nous avons communiqué avec plus de 200 influenceuses et influenceurs, mais finalement, tout s’est résumé à une question de confiance. Pour que le projet fonctionne, il fallait que toutes les parties se rallient à notre proposition, que les créatrices et créateurs de contenu aient envie de travailler avec nous. Mais alors que leur but est de faire carrière en montrant un aspect singulier de leur personnalité, nous leur demandions de révéler quelque chose qui relève de la sphère privée. Et le film ne pouvait fonctionner si nous n’avions pas cet accès à leur vie privée.
À quel genre de problèmes éthiques vous êtes-vous heurté ?
Le plus difficile a été de trouver l’équilibre entre ce qui était bon pour le film et ce qui était bien d’un point de vue moral. Nous avons forcément dû annuler des tournages prévus avec certaines personnes et couper au montage des images filmées avec d’autres, et cela n’a pas été facile, car je suis persuadé que tout le monde a une histoire d’une grande profondeur à raconter, si on prend le temps de l’écouter. Malheureusement, ce n’était pas toujours possible, ni au moment du tournage ni à celui du montage.
D’autres créateurs ou créatrices ont des problèmes de santé mentale, et le film aurait été bien différent s’il avait englobé ce sujet. La façon de mener une carrière en création de contenu varie beaucoup d’une personne à l’autre, c’est pourquoi nous avions besoin de savoir comment nos protagonistes abordaient les médias sociaux. Toutes et tous avaient-ils conscience du jeu qu’ils jouaient et du fait qu’ils créaient un personnage, ou leurs vidéos étaient-elles au contraire devenues virales en raison d’un manque de jugement de leur part ? Prenez Jumanne, par exemple : il n’a pas vandalisé un restaurant parce qu’il voulait être arrêté ou faire du mal, il a imité un jeu qu’il avait vu d’autres jouer.
Les protagonistes du film ont bien conscience de se livrer à un jeu sous la pression d’un algorithme. Mais ce jeu fait des victimes. Jake en est un bon exemple. Il est doué pour créer des contenus que les gens ont envie de voir, mais les plateformes qui ont gagné des vues grâce au contenu qu’il crée finissent par l’exclure.
Elles-mêmes en constante évolution, les plateformes sont bien contentes d’exploiter l’énergie créatrice des jeunes tant et aussi longtemps que les marques ne s’en plaignent pas. À l’étape de leur croissance, comme elles semblent encourager tous les types de contenus, les jeunes créatrices et créateurs se créent une image de marque en donnant dans l’extrême. Mais ça ne fonctionne qu’un temps. Je ne dis pas qu’il leur faut créer du contenu dangereux, je dis qu’il est ridicule que TikTok puisse à la fois exclure Jake et faire de la publicité pour un film Jackass qui a tout bonnement volé son jeu. Les plateformes doivent avoir des lignes directrices claires, que les créatrices et créateurs comprendront facilement.
Votre point de vue sur le sujet a-t-il évolué au cours de la production du film ?
Quand vous plongez aussi profondément dans la vie des gens, votre degré d’empathie à leur égard augmente. Nous nous sommes intéressés non seulement à la manière dont leur contenu était devenu viral, mais aussi à ce qui leur était arrivé par la suite. À un moment donné, nous avons compris que les parents pouvaient aussi faire partie de l’histoire. Les scènes dans lesquelles les mères sont présentes sont maintenant parmi mes préférées : elles jettent un tout autre éclairage sur ces jeunes créatrices et créateurs.
C’est facile de dire que c’est une bande de jeunes écervelés qui font des idioties si tout ce que vous voyez est leur présence en ligne. Mais lorsqu’on prend tout le contexte en compte, il est difficile de ne pas se sentir triste pour eux. Les médias sociaux ne sont pas un sport dans lequel des athlètes poursuivent un but selon des règles clairement établies. Les règles du jeu des médias sociaux changent constamment. On incite des jeunes vulnérables à faire des choses folles et on les juge souvent de manière impitoyable. Les commentaires en ligne peuvent être brutaux : des commentaires haineux sur leur corps, sur leurs choix de vie ou même sur la manière dont ils ou elles devraient mettre fin à leurs jours.
Alors, nous nous sommes efforcés de voir leur contenu pour ce qu’il est, un produit qu’ils et elles créent pour tenter de gagner leur vie. C’est facile de porter des jugements moraux. Ava en est un bon exemple. La vidéo dans laquelle elle lèche des toilettes a fait le tour du monde, et tout le monde avait une opinion à son sujet, tout le monde se plaignait du comportement irresponsable et immoral de ces jeunes. Mais pour quelle raison sa vidéo a-t-elle eu autant de succès ? Parce qu’il y a un public pour ce genre de contenu, et ce public aussi est responsable.
Quels choix de création avez-vous faits pour le film ?
« Ne jamais être ennuyant », c’était notre devise. Le style que nous avons adopté reprend en quelque sorte celui des réseaux sociaux : son rythme, rapide, est similaire, il cherche aussi à faire grimper la dopamine, et il y a des dialogues et de la musique tout le temps. Nous ne voulions pas donner au public trop de temps pour réfléchir avant sa toute fin.
Pour filmer les entrevues, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait sur YouTube, le même genre de style direct. En choisissant de mettre plusieurs protagonistes en vedette, nous cherchions à recréer un fil TikTok en présentant un collage du contenu de plusieurs créateurs et créatrices, avec leurs différences et leurs similitudes.
Nous aurions pu raconter cette histoire du point de vue d’une seule personne, mais nous avons préféré montrer l’ensemble de ce qui est en jeu. Il y a d’un côté un algorithme qui repousse sans cesse les limites, et de l’autre, des jeunes qui abordent la création de contenu d’un point de vue différent et qui essaient de poursuivre une carrière dans le Far West d’Internet.
Y a-t-il des collaborateurs ou collaboratrices que vous aimeriez mentionner ?
Mon principal collaborateur est Sebastian Mercado, que je connais depuis la 2e année du primaire. Nous avons étudié ensemble en cinéma. C’est une collaboration qui remonte à une dizaine d’années. Il a monté le film et s’est chargé du son, je l’ai scénarisé et réalisé.
Notre directeur de la photographie est Peter Planta, un ami que nous nous sommes fait à l’école de cinéma. Sebastian, lui et moi avons passé plus de 70 jours ensemble. Nous avons dormi dans des chambres d’hôtel à la propreté douteuse, avons pris les pires vols d’avion et fait toutes les concessions possibles pour ne pas dépasser notre budget. Nous aurions pu choisir de faire une version reportage de notre histoire en tournant le tout en une ou deux semaines, mais nous voulions prendre notre temps, suivre nos protagonistes et leur évolution.
Tourner durant la deuxième vague de COVID-19 puis celle d’Omicron, quelle drôle de période pour faire un film ! Nous étions adéquatement vaccinés et avons porté un masque en tout temps. La plupart des gens que nous avons interviewés n’ont pas vu nos visages pendant des mois, ce qui est plutôt incongru.
Quelle place occupe Célèbre à tout prix dans votre travail de création ?
J’ai d’abord essayé de gagner ma vie comme créateur de contenu, alors j’ai fait pas mal de choses et travaillé à une grande variété de projets. J’ai tourné plus de 50 publicités, j’ai réalisé des séries Web pour huit marques différentes et j’ai récemment collaboré avec Jann Arden à un projet portant sur les proches aidants. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler avec Paul Scheer à une série animée pour Vine appelée White Ninja, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser aux influenceuses et influenceurs et à leur univers.
J’aime travailler constamment. C’est d’ailleurs ce que j’admire chez les gens qui créent du contenu : ils n’hésitent pas et ils font le boulot ! Alors, je ne suis pas trop difficile, je suis heureux de travailler à toutes sortes de projets, pourvu qu’ils m’intéressent et me procurent du plaisir.
Célèbre à tout prix est mon premier documentaire ; je vois cela comme une nouvelle étape. J’adore travailler avec mon meilleur ami, Sebastian. Nous travaillons actuellement à cinq autres documentaires, à des stades variés de développement, qui tous s’intéressent à la culture du Web. C’est vraiment un sujet qui nous fascine.
Comment espérez-vous que le public réagisse au film ?
J’espère que les gens auront de l’empathie, tant pour leurs semblables que pour les créatrices et créateurs. Si le public souhaite que ces artistes proposent du contenu plus positif, il a un rôle à jouer. Et puis, grâce au film, je souhaite qu’il ait une meilleure compréhension d’Internet, qu’il en soit moins effrayé et qu’il soit informé des difficultés de la création de contenu.
La possibilité de faire carrière dans ce domaine est un phénomène relativement nouveau, et la culture d’Internet est toujours en mouvement. J’espère donc que cette histoire intéressera un grand nombre de gens, parce que nous levons le rideau sur un des aspects de cette culture : l’univers des influenceurs et influenceuses.
David passait son temps à faire des choses folles. Il sautait sur les rails du SkyTrain, avalait des litres de lait jusqu’à en vomir… bref, n’importe quoi pour attirer l’attention et faire rire. Puis, un jour, alors que nous étions à l’école de cinéma, il s’est jeté d’un pont. Cela nous a vraiment secoués. Plus de 10 ans plus tard, nous en sommes encore à essayer de comprendre ce qui s’est passé.
Alors, la première fois que j’ai vu ces jeunes créatrices et créateurs de contenu faire des choses extravagantes, j’ai pensé à David. Tout le monde a besoin qu’on lui témoigne de l’attention et de l’intérêt. Mais du besoin d’attention à l’appel à l’aide, il n’y a qu’un pas. C’est facile de juger, de voir en ces jeunes des artistes de l’extrême et d’oublier que ce sont de vraies personnes. J’ai commencé à m’interroger sur ce phénomène, sur ce qui les poussait à adopter des comportements aussi excessifs et à les publier en ligne. Je me suis demandé pourquoi on pouvait prendre autant de risques au nom de la gloire et, surtout, ce que cela signifiait d’être célèbre sur Internet et comment cela pouvait changer une vie.
Comment avez-vous choisi les protagonistes du film ?
Quand nous avons commencé à travailler à ce projet, en 2017, nous pensions faire un film beaucoup plus court, qui n’aurait porté que sur une seule personne, un créateur de contenu nommé Zackass. Mais il a signé un contrat avec MTV et abandonné le projet. Il joue dans le dernier Jackass, en passant, ce qui le lie de manière intéressante à Jake Hillhouse et à son histoire.
Puis, quand l’ONF s’est joint à nous, l’équipe a pris la décision de réaliser un film plus long, avec des protagonistes d’horizons divers œuvrant dans des genres différents. Nous nous sommes mis en quête d’autres créatrices et créateurs de contenu, en passant des heures sur différentes plateformes : Reddit, Instagram, TikTok, YouTube. Dès que nous trouvions une personne qui se démarquait, qui sortait du moule, nous communiquions avec elle. Peter Teatime et Jake Hillhouse ont été choisis rapidement ; Jade et Jumanne plus tard, juste avant le tournage.
Certains influenceurs et influenceuses sont de véritables vedettes, travaillent avec des agences et n’auraient participé au film qu’en échange d’un énorme cachet. À notre premier entretien avec Ava, elle s’est montrée intéressée, mais son agent ne partageait pas cet intérêt. C’est seulement quand nous l’avons jointe de nouveau, après le début du tournage, qu’elle a accepté de prendre part au projet. Jumanne est un cas particulier. Il a eu son heure de gloire, a fait parler de lui dans le monde entier et a reçu des appels de TMZ et d’autres médias. Tout le monde sur Reddit connaissait ses vidéos au contenu explosif tournées dans un Subway.
Nous avons communiqué avec plus de 200 influenceuses et influenceurs, mais finalement, tout s’est résumé à une question de confiance. Pour que le projet fonctionne, il fallait que toutes les parties se rallient à notre proposition, que les créatrices et créateurs de contenu aient envie de travailler avec nous. Mais alors que leur but est de faire carrière en montrant un aspect singulier de leur personnalité, nous leur demandions de révéler quelque chose qui relève de la sphère privée. Et le film ne pouvait fonctionner si nous n’avions pas cet accès à leur vie privée.
À quel genre de problèmes éthiques vous êtes-vous heurté ?
Le plus difficile a été de trouver l’équilibre entre ce qui était bon pour le film et ce qui était bien d’un point de vue moral. Nous avons forcément dû annuler des tournages prévus avec certaines personnes et couper au montage des images filmées avec d’autres, et cela n’a pas été facile, car je suis persuadé que tout le monde a une histoire d’une grande profondeur à raconter, si on prend le temps de l’écouter. Malheureusement, ce n’était pas toujours possible, ni au moment du tournage ni à celui du montage.
D’autres créateurs ou créatrices ont des problèmes de santé mentale, et le film aurait été bien différent s’il avait englobé ce sujet. La façon de mener une carrière en création de contenu varie beaucoup d’une personne à l’autre, c’est pourquoi nous avions besoin de savoir comment nos protagonistes abordaient les médias sociaux. Toutes et tous avaient-ils conscience du jeu qu’ils jouaient et du fait qu’ils créaient un personnage, ou leurs vidéos étaient-elles au contraire devenues virales en raison d’un manque de jugement de leur part ? Prenez Jumanne, par exemple : il n’a pas vandalisé un restaurant parce qu’il voulait être arrêté ou faire du mal, il a imité un jeu qu’il avait vu d’autres jouer.
Les protagonistes du film ont bien conscience de se livrer à un jeu sous la pression d’un algorithme. Mais ce jeu fait des victimes. Jake en est un bon exemple. Il est doué pour créer des contenus que les gens ont envie de voir, mais les plateformes qui ont gagné des vues grâce au contenu qu’il crée finissent par l’exclure.
Elles-mêmes en constante évolution, les plateformes sont bien contentes d’exploiter l’énergie créatrice des jeunes tant et aussi longtemps que les marques ne s’en plaignent pas. À l’étape de leur croissance, comme elles semblent encourager tous les types de contenus, les jeunes créatrices et créateurs se créent une image de marque en donnant dans l’extrême. Mais ça ne fonctionne qu’un temps. Je ne dis pas qu’il leur faut créer du contenu dangereux, je dis qu’il est ridicule que TikTok puisse à la fois exclure Jake et faire de la publicité pour un film Jackass qui a tout bonnement volé son jeu. Les plateformes doivent avoir des lignes directrices claires, que les créatrices et créateurs comprendront facilement.
Votre point de vue sur le sujet a-t-il évolué au cours de la production du film ?
Quand vous plongez aussi profondément dans la vie des gens, votre degré d’empathie à leur égard augmente. Nous nous sommes intéressés non seulement à la manière dont leur contenu était devenu viral, mais aussi à ce qui leur était arrivé par la suite. À un moment donné, nous avons compris que les parents pouvaient aussi faire partie de l’histoire. Les scènes dans lesquelles les mères sont présentes sont maintenant parmi mes préférées : elles jettent un tout autre éclairage sur ces jeunes créatrices et créateurs.
C’est facile de dire que c’est une bande de jeunes écervelés qui font des idioties si tout ce que vous voyez est leur présence en ligne. Mais lorsqu’on prend tout le contexte en compte, il est difficile de ne pas se sentir triste pour eux. Les médias sociaux ne sont pas un sport dans lequel des athlètes poursuivent un but selon des règles clairement établies. Les règles du jeu des médias sociaux changent constamment. On incite des jeunes vulnérables à faire des choses folles et on les juge souvent de manière impitoyable. Les commentaires en ligne peuvent être brutaux : des commentaires haineux sur leur corps, sur leurs choix de vie ou même sur la manière dont ils ou elles devraient mettre fin à leurs jours.
Alors, nous nous sommes efforcés de voir leur contenu pour ce qu’il est, un produit qu’ils et elles créent pour tenter de gagner leur vie. C’est facile de porter des jugements moraux. Ava en est un bon exemple. La vidéo dans laquelle elle lèche des toilettes a fait le tour du monde, et tout le monde avait une opinion à son sujet, tout le monde se plaignait du comportement irresponsable et immoral de ces jeunes. Mais pour quelle raison sa vidéo a-t-elle eu autant de succès ? Parce qu’il y a un public pour ce genre de contenu, et ce public aussi est responsable.
Quels choix de création avez-vous faits pour le film ?
« Ne jamais être ennuyant », c’était notre devise. Le style que nous avons adopté reprend en quelque sorte celui des réseaux sociaux : son rythme, rapide, est similaire, il cherche aussi à faire grimper la dopamine, et il y a des dialogues et de la musique tout le temps. Nous ne voulions pas donner au public trop de temps pour réfléchir avant sa toute fin.
Pour filmer les entrevues, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait sur YouTube, le même genre de style direct. En choisissant de mettre plusieurs protagonistes en vedette, nous cherchions à recréer un fil TikTok en présentant un collage du contenu de plusieurs créateurs et créatrices, avec leurs différences et leurs similitudes.
Nous aurions pu raconter cette histoire du point de vue d’une seule personne, mais nous avons préféré montrer l’ensemble de ce qui est en jeu. Il y a d’un côté un algorithme qui repousse sans cesse les limites, et de l’autre, des jeunes qui abordent la création de contenu d’un point de vue différent et qui essaient de poursuivre une carrière dans le Far West d’Internet.
Y a-t-il des collaborateurs ou collaboratrices que vous aimeriez mentionner ?
Mon principal collaborateur est Sebastian Mercado, que je connais depuis la 2e année du primaire. Nous avons étudié ensemble en cinéma. C’est une collaboration qui remonte à une dizaine d’années. Il a monté le film et s’est chargé du son, je l’ai scénarisé et réalisé.
Notre directeur de la photographie est Peter Planta, un ami que nous nous sommes fait à l’école de cinéma. Sebastian, lui et moi avons passé plus de 70 jours ensemble. Nous avons dormi dans des chambres d’hôtel à la propreté douteuse, avons pris les pires vols d’avion et fait toutes les concessions possibles pour ne pas dépasser notre budget. Nous aurions pu choisir de faire une version reportage de notre histoire en tournant le tout en une ou deux semaines, mais nous voulions prendre notre temps, suivre nos protagonistes et leur évolution.
Tourner durant la deuxième vague de COVID-19 puis celle d’Omicron, quelle drôle de période pour faire un film ! Nous étions adéquatement vaccinés et avons porté un masque en tout temps. La plupart des gens que nous avons interviewés n’ont pas vu nos visages pendant des mois, ce qui est plutôt incongru.
Quelle place occupe Célèbre à tout prix dans votre travail de création ?
J’ai d’abord essayé de gagner ma vie comme créateur de contenu, alors j’ai fait pas mal de choses et travaillé à une grande variété de projets. J’ai tourné plus de 50 publicités, j’ai réalisé des séries Web pour huit marques différentes et j’ai récemment collaboré avec Jann Arden à un projet portant sur les proches aidants. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler avec Paul Scheer à une série animée pour Vine appelée White Ninja, et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’intéresser aux influenceuses et influenceurs et à leur univers.
J’aime travailler constamment. C’est d’ailleurs ce que j’admire chez les gens qui créent du contenu : ils n’hésitent pas et ils font le boulot ! Alors, je ne suis pas trop difficile, je suis heureux de travailler à toutes sortes de projets, pourvu qu’ils m’intéressent et me procurent du plaisir.
Célèbre à tout prix est mon premier documentaire ; je vois cela comme une nouvelle étape. J’adore travailler avec mon meilleur ami, Sebastian. Nous travaillons actuellement à cinq autres documentaires, à des stades variés de développement, qui tous s’intéressent à la culture du Web. C’est vraiment un sujet qui nous fascine.
Comment espérez-vous que le public réagisse au film ?
J’espère que les gens auront de l’empathie, tant pour leurs semblables que pour les créatrices et créateurs. Si le public souhaite que ces artistes proposent du contenu plus positif, il a un rôle à jouer. Et puis, grâce au film, je souhaite qu’il ait une meilleure compréhension d’Internet, qu’il en soit moins effrayé et qu’il soit informé des difficultés de la création de contenu.
La possibilité de faire carrière dans ce domaine est un phénomène relativement nouveau, et la culture d’Internet est toujours en mouvement. J’espère donc que cette histoire intéressera un grand nombre de gens, parce que nous levons le rideau sur un des aspects de cette culture : l’univers des influenceurs et influenceuses.
Extraits
Images
Les protagonistes et experts
Équipe
Générique
Réalisation
Tyler Funk
Production
Tyler Funk
Sebastian Mercado
Shirley Vercruysse
Montage
Sebastian Mercado
Direction de la photographie
Peter Planta
Scénario et recherche
Christopher Lorenz
Tyler Funk
Avec la participation de
Ava Louise
Jumanne
Jake Hillhouse
Jade Jadasaur
Peter Teatime
Jamie Cohen, PhD
Donna Rockwell, D. Psy.
Jenna Drenten, PhD
Deanne Krusensterna
Ethan Peters
Alexander Marker
Terrance Tayag
Smorezy
Colton Davis
Niki Victoria
Aaron Burns
Gregor Reynolds
Myah Ellliott
Esosa Ogbebor
Crash Adams
Brittlestar
Lixosworld
Jaylyn Hansley
Michael Kim
Brian Nishiyama
Patrick Jason Dooc
Reed Mayer
Ryan Santos
Christopher Myers
Miriam Green
Tyler Gateman
Révision du scénario
Lynne Stopkewich
Assistant au montage
Christopher Lorenz
Conception des titres et graphiques animés
Erick Grigorovski
Prise de son
Sebastian Mercado
Images additionnelles
Tyler Funk
Supervision de la musique
Kyla O’Donovan
Montage de la musique
Brandon Smith
Services de postproduction sonore fournis par
Maverick Post Group Inc
Supervision du montage sonore
Miguel Nunes
Montage sonore
May Guimarães
Montage sonore
Patrick Mallen
Bruiteurs
Alex Macia
Devon Quelch
Mixeuse
May Guimarães
Maverick Post Group Inc
Coloriste
Cameron McCutchoen
Assistant réalisateur
Christopher Lorenz
Assistant à la production
Christopher Lorenz
Responsable des réseaux sociaux
Anna Kondratyuk
Développement des publics
Magnify Digital
Site internet de la production
Steen Clores
Coordonnateur de production
Sebastian Mercado
Sous-titrage
François Godin
Office national du film du Canada
Productrice déléguée
Jennifer Roworth
Coordonnateur de production principal
Nicolas Ayerbe Barona
Coordonnateur technique
Wes Machnikowski
Administratrice de studio
Carla Jones
Directeur du marketing
Kay Rondonneau
Agente de publicité
Katja De Bock
Séquences vidéo de créateurs de contenu fournies par
Ava Louise
Alexander Marker
Jumanne
Jake Hillhouse
Stewart Reynolds
Gregor Reynolds
Alana Jade Lintoo
Jade Jadasaur
Musique
“Perpetuum”
Composée par Andrew James Blaney
Éditée par Atmosphere Music Ltd.
Avec la permission de Universal Production Music
“And I Go Like”, version avec soliste vocal
Composée par Elin Porsinger, Eva Lind
Éditée par Mad Monkeys Publishing
Avec la permission de Universal Production Music
“And I Go Like”, version instrumentale
Composée par Elin Porsinger, Eva Lind
Éditée par Mad Monkeys Publishing
Avec la permission de Universal Production Music
“Victory is Mine”, version avec soliste vocal
Composée par Andrew Joseph Carpenter, John K. Sands, Marc Ferrari et Mark Richmond Phillips
Éditée par Base Camp et Big Sands Music
Avec la permission de Universal Production Music
“Victory is Mine” version instrumentale
Composée par Andrew Joseph Carpenter, John K. Sands, Marc Ferrari et Mark Richmond Phillips
Éditée par Base Camp et Big Sands Music
Avec la permission de Universal Production Music
“Break It Down”
Composée par Andrada Popa, James Oliver Hutchinson Éditée par Ninja Tune Production Music
Avec la permission de Universal Production Music
“Vapourous Waters”
Composée par Elio Antony
Éditée par Koka Media et Universal Production Music France
Avec la permission de Universal Production Music
“Don’t Give Up”
Composée par David Grumel
Éditée par Koka Media et Universal Production Music France
Avec la permission de Universal Production Music
“Things Will Get Better”
Composée par Alyusha Chagrin, Matthew Ker
Éditée par Felt Licensing Ltd
Avec la permission de Universal Production Music
“In My Feelings”
Composée par Smorezy, Jumanne
Éditée par Smorezy
Musique additionnelle, avec la permission de Artlist
Images d’archives
Deanne Krusensterna
Miriam Green
Alana Lintao
Sideneck
Artgrid
Meghann Smiddy
FOX News Archive
Glozelle Green
Photographe Getty Images – Santiago Felipe
Paramount Pictures
Dickhouse Entertainment
MTV Entertainment
Producteurs exécutifs
Tyler Funk
Sebastian Mercado
Shirley Vercruysse
Produit avec la participation du Fonds Telus, Creative BC et le Crédit d’impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne
©Choonie Films Inc et l’Office national du film du Canada, 2023
Relations de presse
-
Sophie St-Pierre
Attachée de presse, ONF
Cell. : 438-336-6449
s.st-pierre@onf.ca
-
À propos de North of Now Productions
North of Now est une agence de production créative et de conseil en contenu numérique établie à Vancouver, en Colombie-Britannique. Au cours des trois dernières années, elle a filmé des publicités dans toute l’Amérique du Nord.
Spécialisée dans la création de publicités, conventionnelles ou non, North of Now aide de nombreuses entreprises de divers secteurs à transmettre leur message au public, en ligne et à la télévision. Elle a notamment produit des publicités pour Coca-Cola et Band-Aid.
-
L’ONF en bref
Fondé en 1939 et unique en son genre, l’Office national du film du Canada (ONF) produit, coproduit et distribue des documentaires et des films d’animation distinctifs, engageants, pertinents et innovants. Incubateur de talents, il est un des plus grands laboratoires de création au monde. Depuis plus de huit décennies, l’ONF permet aux Canadiennes et aux Canadiens de se raconter et de se rencontrer. Ses films sont de plus une ressource éducative fiable et accessible. L’ONF possède également une expertise reconnue mondialement en préservation et en conservation, en plus d’une riche collection vivante d’œuvres qui constituent un pilier important du patrimoine culturel du Canada. Jusqu’à maintenant, l’ONF a produit plus de 14 000 œuvres, dont 6500 sont accessibles gratuitement en ligne sur onf.ca. L’ONF ainsi que ses productions et coproductions ont remporté au-delà de 7000 prix, dont 11 Oscars et un Oscar honorifique récompensant l’excellence de l’organisation dans toutes les sphères de la cinématographie.